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Café - Restaurant Le Carrefour

Mémoire d'établissements Horeca

Café-Restaurant « Le Carrefour »

La voiture semble avoir définitivement gagné le boulevard Royal. Progressivement les terrasses du Café du Boulevard, du Café Monterey, du Café de la Paix, du Grand-Hôtel Brasseur et celle de l’Hôtel Rix ont disparu. La « Terrasse beim Walter » (N°49, Bd Royal), rendez-vous des lycéens, n’existe plus. En 1975, celle élevée en contrebas du Boulevard, et ayant appartenu au Café-Restaurant Carrefour a fini par être englobé dans l’immeuble « Carrefour ».

« Versoffene Rousekranz »

La maison du peuple ou « Volkshaus » jadis située au carrefour Boulevard Royal / Avenue Emile Reuter avait été construit en 1908. Ce fut au « Volkshaus » que l’œuvre caritative « Cercle des philanthropes luxembrougeois » avait été crée une année plus tard. La maison du peuple représentait le pendant catholique face au « Casino bourgeois » de tendance libérale.

D’importantes décisions politiques qui façonnaient le pays étaient prises au Volkshaus.

L’action catholique populaire « Volksverein » avait été fondée en 1903. D’autres mouvements se créaient dans la suite, indépendamment de la structure paroissiale, mais axés sur les domaines d’activités professionnelles, le sexe et l’âge : l’université populaire catholique fut fondée en 1904, l’action catholique féminine en 1906, la jeunesse catholique remonte à 1908, le cercle des instituteurs catholiques en 1909. L’association luxembourgeoise des universitaires catholiques fut fondée en 1910, le parti de droite en 1913. Parallèlement se constituaient dès 1907 des associations d’ouvriers catholiques. Les scouts catholiques sont fondés en 1919. Toutes ces organisations se démarquent sciemment des courants non catholiques qui traversent la société.

Le besoin de se réunir s’est fait sentir de plus en plus dans une véritable « maison corporative ». Se réclamant de l’enseignement social de Rerum Novarum, ce centre d’organisations catholiques va prendre à dessin le nom de « Maison du Peuple ». En reprenant ce nom généralement réservé aux centres d’organisations de gauche, cette maison corporatiste catholique voulait signifier ouvertement son ouverture sur le monde social.

carrefour

Films, condamnations et fêtes

Le « Volkshaus  ou « Maison du Peuple » prit ultérieurement le nom de « Carrefour », se trouvait dans l’axe de la prolongation de la Grand’Rue. Le projet réunissait trois parcelles: l’immeuble avec cour que l’Oeuvre d’Action Populaire Chrétienne avait acquis, peu après 1895, à l’avenue de l’Arsenal, la parcelle voisine contenant le domicile du Président du Gouvernement, Emile Reuter, et celle sur laquelle sera érigée la Maison du Peuple.

Devant héberger plusieurs associations, l’immeuble devait assurer plusieurs locaux indépendants. La pièce maîtresse en fut la salle des fêtes, avec scène et galerie. Pouvant contenir plus de 1000 personnes, elle jouissait d’un éclairage zénithal grâce à une verrière en coupole. Des lampes à arcs électriques étaient aménagées le long des arcades à colonnes ioniques de la galerie. La scène disposait de tous les atouts techniques, allant du rideau jusqu’au coulisses, même latérales. Mais, la salle servait aussi à la tenue d’assemblées générales, de conférences, à l’organisation de congrès, de bals, de soirées dansantes réservées aux membres, de match de luttes, de représentations cinématographiques, et même de salle de répétition à deux chorales dont celle de la Cathédrale. Dès 1909, les premières projections de films étaient assurées avec des imitateurs de bruits dans les coulisses. En 1912, le „Luxemburger Wort“ informait ses lecteurs que « Die Verwaltung ist streng darauf bedacht alles Zweideutige aus den Vorführungen fernzuhalten, damit die Eltern mit gutem Gewissen ihre Kinder hinführen können.(LW 10.12.1912).

En 1912, suite au vote de la nouvelle loi scolaire, ce fut dont cette salle que fur proclamé l’interdiction de lecture des journaux qui avaient plaidé en faveur du retrait des cours de religion des programmes scolaires. Ce fut ici que les députés ayant voté pour cette loi furent ouvertement exclus des sacrements.

Les volontaires luxembourgeois de la Légion Etrangère furent acclamés en 1919 dans cette belle salle.

Au rez-de-chaussée, le parti de la droite se réunit dans une salle près de l’entrée principale. La salle Ste Cécile servit au catéchisme. La Jünglingssodalität avait installé un Casino pour jeunes au rez-de-chaussée de la maison Reuter fusionnée avec le « Carrefour ». Quelques années plus tard, ces locaux furent repris par le secrétariat des associations de la jeunesse catholique, la société coopérative d’épargne Fortuna, le Cercle amical des fonctionnaires et employés catholiques, l’association catholique des étudiants luxembourgeois, le cercle des étudiants d’enseignement moyen.  

Le premier étage était réservé à la Société de Lecture, renfermant salle de lecture, bibliothèque et débit d’alcool. Les vins furent conservés au sous-sol. L’association luxembourgeoise des universitaires catholiques et le Cercle estudiantin disposaient de deux locaux au deuxième étage. Une salle de billard et un jeu de quilles, installés au sous-sol, étaient à la disposition des visiteurs de la Maison du Peuple.

Après la deuxième guerre Mondiale, un restaurant viendra occuper les salles du rez-de-chaussée donnant sur le boulevard Royal. La Maison du Peuple a été démolie en 1975.

Immeuble de prestige

Jean-Pierre Koenig (1870-1919) a été choisi comme architecte pour construire la Maison du Peuple. Formé à l’école St Luc, il était sensible aux questions de la représentation de la foi par l’architecture. A Luxembourg, il avait fait ses preuves dans les milieux concernés en construisant les couvents des RP Jésuites au Limpertsberg, celui des Sœurs Franciscaines de Milwaukee, celui des frères de la Miséricorde de Dieu, celui des Prêtres du Sacré Cœur. Il construit les églises d’Arsdorf, Dillingen et Schrondweiler. En 1906 il présenta à l’évêque de Luxembourg des projets d’agrandissement de la cathédrale. Il travailla encore pour la ville (projet d’un passage commercial), l’Etat (Caisse d’Epargne et Crédit Foncier, projet de construction d’un musée national, d’une bibliothèque), pour le secteur privé (Pôle Nord, grand magasin Klees-Kaiser à la Grand’Rue). La qualité de son œuvre lui valut le Prix Grand-Duc Adolphe en 1917.

La maison du peuple dont la façade présentait le jeu alternant des couleurs de la brique rouge et de la pierre jaune, fut à trois niveaux plus un étage mansardé. La façade monumentale présentait un avant-corps central, souligné au premier étage par un puissant balcon, et couronné par une haute toiture en croupe, couronnée d’un fanal. Une grille richement travaillée donna accès au jardin de 10 m de profondeur qui précédait l’immeuble et le coupait du passage du boulevard. L’entrée principale se trouvait en-dessous du balcon porté par deux puissantes colonnes corinthiennes. A la hauteur du second étage de l’avant-corps se trouvait une niche vide, dotée en 1930 de la statue du Sacré Cœur de Jésus, une œuvre d’Albert Kratzenberg. Une petite porte en fer forgé aménagée au carrefour du boulevard et de l’avenue menait directement aux locaux des jeunes, installés en partie dans la maison Reuter.

D’abord, en accord avec ses commanditaires, Koenig opta pour la Néo-Renaissance, style peu coutumier aux milieux catholiques qui préféraient les styles médiévaux. Il franchit un pas de plus en mélangeant sur la façade la pierre de taille à la brique rouge. Lorsque le boulevard Royal fut élargi d’une bande, en 1954, le jardinet fut aménagé en Café-terrasse du Café-Restaurant Carrefour pour une durée de 20 ans seulement. (Robert L.Philippart)

 

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Historique