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Café um Piquet

Mémoire d'établissements Horeca

Le Café « Um Piquet » : « beaucoup y succombèrent »

L’actuelle brasserie „Um Piquet » (30, rue de la Poste) compte de nos jour parmi les Cafés de tradition au Luxembourg. A la fin du XIXe siècle, le cabaret connut un succès certain, dû d’ailleurs à une situation très curieuse : la maison voisine, rasée en 1882, avançait tellement dans la rue qu’elle ne laissait qu’un passage si étroit que deux personnes se croisant, devaient se heurter. « Souvent, il fallait se ranger et attendre pour pouvoir passer et en on veut expliquer par là en quelque sorte la vogue dont jouissait le débit tenu par M Siegen. En effet, attendre devant un cabaret qui vous barre le chemin, la tentation était trop forte pour beaucoup, et beaucoup, dit-on, y succombaient ». 5RUPPRECHT, Alphonse, Logements militaires, Luxembourg, 1979/, p.134.)

De la zone militaire à l’hypercentre

A la fin du XVIe siècle, l’emplacement du Café se trouvait aux confins des habitations civiles. Il jouxtait les casernes d’artillerie construites en 1673, et jusqu’à la suppression de la forteresse en 1867, la maison « Um Piquet » donnait directement sur une zone militaire. L’ouverture de la ville allait changer totalement la situation. Le plan de prolonger l’ancienne rue du Piquet par une avenue rejoignant le boulevard Royal avait été abandonné, suite à l’argument que la ville n’offrait pas suffisamment de circulation pour ouvrir une avenue supplémentaire. Dans un premier temps, les ailes de l’ancienne caserne d’artillerie furent récupérées à des besoins industriels en logeant une manufacture de gants, des dépôts pour la quincaillerie Neuberg et pour la manufacture de tabacs Heintz van Landewijck. L’ancien hôtel du génie allait accueillir dès 1868 l’administration des contributions des accises et du cadastre, la chambre des comptes, les services de postes et de télégraphie. Depuis 1883 seulement, le site était exclusivement réservé à l’hôtel des Postes, et il serait logique que le Café « Um Piquet » aurait été fréquenté par les employés de cette administration. Les alentours du Café « Um Piquet » accueillaient des établissements scolaires, l’école Aldringen en 1881, l’Ecole des Artisans installée ux casernes d’artillerie à partir de 1896. L’affluence en élèves et employés et la sécurité des lieux rendaient nécessaire le dérasement de la maison Timmermans qui oblitérait le passage en direction de la rue Philippe II. Une partie de son emplacement sert aujourd’hui de terrasse au Café « Um Piquet ». Les anciennes casernes furent rasées en 1908 ; elles laissaient pendant 25 ans une friche en plein centre-ville. En 1934 commençait le chantier de l’immeuble « Dr Mouton » au carrefour rue Beck / rue Aldringen. La placette « Um Piquet » qui va accueillir la statue de Niki de Saint Phalle qui avait orné le Centre Aldringen, fut appelée dans les années 1930 « place Aldringen ». Depuis la construction du nouvel hôtel des Postes, le site accueillait une de station du tramway et de départ des diligences, puis des bus en direction des campagnes. Le règlement à l’adresse des chauffeurs de tramway précisait à propos des Cafés situés près de ces stations: « Diejenigen Beamten, welche während des Dientstes im Wirtshaus ertappt werden, erhalten 3 Mark Strafe. » La gare d’autobus au Centre Aldringen, inaugurée en 1977 renforçait ce rôle assigné au quartier depuis 1908. L’extension de la zone piétonne à la rue Aldringen et l’aménagement d’une nouvelle place publique dans le cadre du projet « Royal-Hamilius » vont renforcer le caractère central de l’emplacement de la Brasserie « Um Piquet ».

Conserver un toponyme traditionnel: « Um Piquet »

Avoir fait le choix de reprendre comme nom d’enseigne, le lieu-dit « Um Piquet » traduit la volonté de conserver la mémoire collective du lieu. Le toponyme « Um Piquet » rappelle l’existence d’anciennes écuries situées à proximité des anciennes casernes d’artillerie. La ruelle portait à cette époque le nom de rue St André, en référence à la statue qui ornait la niche à droite de l’immeuble du Café « Um Piquet » jusqu’à la fin des années 1930. Dans les années 1960, une statue de St Antoine occupait la niche (FEITLER, Edmond, Luxemburg, deine Heimatstadt, Luxemburg, 1963.) De 1854 à 1925 la rue portait le nom de « rue du Piquet » et depuis ce jour elle est dénommée en « rue de la Poste ». En 1794, le bâtiment à deux étages offrait 9 places chauffées pour loger des militaires. Lors de travaux de démantèlement un boulet de canon en provenance de l’assaut des troupes françaises en 1794/95 fut retrouvé à proximité et par la suite muré dans la façade du Café. La veuve Klein, propriétaire en 1800 du bâtiment, allait le vendre au marchand François Siegen qui allait y exploiter un Café dès les années 1870. L’immeuble devint par la suite la propriété de la famille Nicolas et Marie Houscht-Hippert. Jusqu’en 1925, l’établissement portait le nom de Café Muller et à partir de cette date « Café Linster Haas ».

Sous le régime de l’Occupant, les noms d’entreprises et de rues devaient être changés en allemand jusqu’au 30 septembre 1940. Le « Café Linster-Haas » devient ainsi « Gaststube Theodor Linster-Haas ». Il est frappant de noter à quel point les cafetiers ont identifié leur établissement par leur noms composés – sans doute un renvoi au rôle important de la femme entrepreneur.

Les produits du terroir à l’honneur

Le café « Um Piquet » ne relate pas l’histoire d’associations ou de syndicats qui y auraient élu domicile. En rachetant en 1925, le Café Muller, qui allait ouvrir sous le même nom à la rue Louvigny, Théodore Linster visait un public d’employés et de bourgeois de bienséance tout en profitant des flux de voyageurs de la gare de tramway et de bus toute proche. En 1926, il s’adressait directement au monde catholique : « empfiehlt sich den geschätzten Oktavpilgern während der ganzen Oktave warmes und kaltes Essen zu jeder Tageszeit.“ (Luxemburger Wort, 26. April, 1926). Encore en 1940, l’établissement fut le rendez-vous des pèlerins retournant en bus à la campagne. La maison connut du succès en créant deux emplois en 1932. Le Café qui en 1926 avait débuté avec des bières de la brasserie de Clausen, s’était mué en « Weintempelchen » comme le qualifia le Tageblatt en 1949. En 1935 et 37 déjà, le Café Linster-Haas s’était distingué au niveau national par l’achat d’impressionnantes quantités de vins luxembourgeois (Riesling, Pinot, Silvaner) auprès des caves coopératives de Greiveldange (fondées en 1929). (Rolph)

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Historique