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Ennert de Steiler

Mémoire d'établissements Horeca

192 ans Café « Ennert de Steiler »

Distingué comme Best Bar Apéro par « Luxembourg Nightlife Awards 2016 », le bar « Ennert de Steiler » perpétue une activité lancée en 1824 par Jean Guillaume Ditsch qui y avait ouvert un étal de boucher et un cabaret. Le Café occupe l’un des plus anciens immeubles de la ville de Luxembourg. Sis à l’ancien marché de la capitale (2, rue de la Loge), à l’intersection des deux voies romaines qui ont favorisé la fondation de la ville, il tient un emplacement de choix  au centre même de la vieille ville. C’est devant cette maison qu’était placé au XVe siècle  le pilori et où se déroulaient les ventes forcées.  Depuis 1825, le marché de poteries « Eimäischen » se tient au pied du Café et rajoute une note très agréable au site.

Ancienne garde, hôtel de ville, maison de confréries ?

Les baies géminées trilobées du pignon, côté rue de l’Eau, permettent de dater les origines de l’immeuble vers 1350. Probablement endommagé par l’incendie qui embrasa le quartier le 30 juin 1509, la maison fut réaménagée en 1530 et en 1559/1560. Les fenêtres de style gothique tardif de la façade principale comptent parmi les joyaux de l’art au Luxembourg. Le porche à triple arcade remplaçant sans doute une version plus ancienne, probablement détruite sous les bombardements des troupes de Louis XIV en 1683/84 fut élevé en 1691. Il allait donner à l’immeuble son nom «Ennert de Steiler ».  La garnison française y aurait installé son poste de garde, soit l’ancêtre de celui construit peu après, à la place d’Armes.  Une vaste salle d'apparat se trouvait à l’étage, qui d'ailleurs se prolongeait au niveau du bâtiment voisin. Accueillait-elle les membres de confréries, le conseil du magistrat durant les années de ruine de la maison communale? L’étage supérieur servait à la vie privée, les combles étant généralement réservés  au stockage de denrées alimentaires. Le blé et le foin devaient être mis à l'abri de l'humidité et du froid, par contre, le vin était stocké dans les petites caves voûtées de l’immeuble.


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Ardents défenseurs des intérêts du pays et de la ville

Au XVe siècle l’immeuble fut habité par Jean Chalop prévôt et échevin de la ville de Luxembourg. Lors de la prise de la capitale en 1443, Chalop « s’arma d’un pieux, & courut au marché pour en chasser les Bourguignons. Le premier qu’il rencontra fut un chevalier de Picardie (…) sur qui il fondit comme un furieux, lui perça le bras gauche et l’acculait contre une muraille où il l’aurait immanquablement achevé,  si les siens ne l’avaient promptement secouru ». (Jean Bertholet, histoire ecclésiastique et civile du Duché de Luxembourg, 1743). »  Chalop succomba à ses blessures dans sa tentative de sauver la ville de ses envahisseurs.

En 1885, le propriétaire, le cafetier et marchand charpentier, Jean Holbach, autorisait l’architecte de l’Etat, Charles Arendt et le sculpteur Jean Luja,  à restaurer la statue méterce (Anna Seldritt) placée sur la façade dans une niche de gothique flamboyant et, qui avait échappée aux épurations de l’espace publique d’insignes religieux, sous la Révolution française. Cette restauration compte parmi les premières effectuées au pays et témoigne d’une reconnaissance de la statue comme patrimoine national.

Jacques Weimerskirch exploitait l’établissement depuis 1903. En mars 1919 le Café « Ennert de Steiler » fut le théâtre de l’accueil et des fêtes organisées pour le retour des « survivants de la vaillante phalange qui dans les rangs de la Légion étrangère avaient sauvé l’honneur du Luxembourg sur les champs de bataille de France et de Belgique ». (Ruppert, Alphonse, Logements militaires à Luxembourg, 1979, 2 éd. ,p .81-85).

En 1937, le propriétaire du Café « Ennert de Steiler », Gustave Hoffmann-Weimerskirch, s’engagea comme membre fondateur du Comité Alstad, dont l’objectif est de développer la vieille ville, et plus particulièrement de donner une nouvelle vie au marché potier « Emaischen ».  « Ennert de Steiler » devint, par ailleurs,  un lieu privilégié des notaires Edmond Reiffers et Jules Hamélius pour des ventes publiques d’immeubles. Durant les années de guerre, le  Café dut prendre la dénomination « Gastwirtschaft Hoffmann-Weimerskirch ».

Son successeur Jéblick-Weimerskirch organisait des soirées cinéma avec les « Ciné-Amateurs- Luxembourg » et le photographe Pierre Bertogne,  qui y présentait les tous nouveaux appareils de projection.  Ces soirées étaient arrosées, comme tant d’autres, de la « double Bock » de la brasserie Henri Funck.

Lorsque Jean Goldschmit avait mis fin à sa profession de coureur cycliste professionnel, en 1953, il allait reprendre le Café « Ennert de Steiler ». Goldschmit  (1924-1994) avait été deux fois champion du Luxembourg sur route et de cyclo-cross, deux fois vainqueur du Tour de Luxembourg et vainqueur d’étape au Tour de Suisse. Il avait participé à six Tours de France. Il y a remporté deux étapes, en 1949 et 1950. Il a également porté le maillot jaune pendant 3 jours. Il réussit à pousser Charly Gaul à remporter la grande victoire du Tour de France. Mais les mérites de Goldschmit, reconnus par une plaque commémorative au Centre culturel de Weimerskirch et la course cycliste « Grand Prix Jean Goldschmit », vont au-delà des prouesses sportives. En 1958, il avait soutenu et accueilli une manifestation qui s’opposait à la construction de l’immeuble « La Bâloise » au boulevard F.D. Roosevelt par l’architecte Pierre Gilbert. Les initiateurs du mouvement furent l’architecte Léon Krier (future Cité Judiciaire) et Jean-Pierre Koltz, directeur du Syndicat d’Initiative de la ville de Luxembourg. Leur but  fut «Protest zu erheben gegen die fortschreitende Verschandelung des Stadtbilds und besonders jener porzellanfeinen Silhouette, die der Fremde über die Festungsmauern hinwegragen sieht, wenn er vom Bahnhof oder von Osten her in die Stadt einfährt.“(KRIER, Léon, Picasso in der Bauernstube, in d‘Lëtzebuerger Land, 1958, N°8). Leur opposition semble avoir porté ses fruits, comme l’architecte de district à l’époque, Constant Gillardin, dessinait  à ce moment, le futur siège du Conseil d’Etat dans un modernisme modéré s’inspirant pour l’organisation de la façade de l’immeuble « Ennert de Steiler » et en reproduisant, en version plus contemporaine, les arcades de cet immeuble historique. (Rolph)

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Historique