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Hôtel Carlton

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel Carlton  & Perroquet


L’ancien Hôtel Carlton occupait le N°2 de la rue Dicks à Luxembourg. Jusqu’en 1947 son dancing-variétés « Perroquet » représentait un des rendez-vous majeurs pour les noctambules. Repris par le Cabaret « Chez Nous », le lieu a marqué encore des générations. Depuis les années 1990, les éditions « Revue » avaient établi leur siège à l’ancien Hôtel Carlton.


Emplacement central, mais à l’écart

L’établissement avait été construit en 1927 sur un terrain qui appartenait jusque-là à l’Etat et qui l’avait reçu en provenance des domaines de l’ancienne forteresse. L’ancien fort Elisabeth, construit en 1731 à l’emplacement de l’Hôtel, avait été démoli en 1871/72. L’îlot d’immeubles cerné par la rue du fort Bourbon, la rue du Fort Elisabeth, le boulevard de la Pétrusse et l’avenue de la Gare avait été déjà loti en 1876 sous la direction de l’ingénieur-paysagiste Edouard André. Mais en face, tout le plateau Bourbon jusqu’à hauteur de la rue Zithe restait inoccupé. Ce ne fut qu’en 1906, soit trois ans après l’ouverture de l’avenue de la Liberté et du pont Adolphe, que le plan Bourbon fut aménagé. L’Eglise du Sacré Cœur située juste en face de l’ancien Hôtel Carlton avait été construite seulement en 1930. L’ancien Hôtel Carlton est actuellement situé dans la zone de protection de l’UNESCO.


L’innovation technique s’affiche grandement

L’acquéreur du terrain, Michel Betz, important entrepreneur retraité et propriétaire d’importants lots terriens à Hollerich, à la gare et à Bonnevoie, avait suivi de près les discussions sur l’aménagement de ce futur quartier de la ville, situé à proximité de l’église, de l’Hôtel de l’ARBED, de la clinique Sainte Thérèse, du Viaduc et de l’avenue de la Liberté. Il était conscient que le pan coupé formé ensemble avec l’immeuble voisin livrait une vue panoramique sur la vieille ville et jusqu’aux hauteurs du Fetschenhof. Il avait suivi les débats qui plaçaient les immeubles à construire en retrait par rapport à l’alignement formé par l’avenue de la Liberté. Cet aménagement devait protéger le quartier résidentiel du bruit de la nouvelle artère ; ce fut une recommandation de l’ingénieur des Travaux Publics, Jean Worré et de l’expert allemand, Joseph Stübben.

Le choix de l’architecte du futur hôtel n’avait pas été relaissé au hasard. Mathias Martin (1882-1943), formé à l’Ecole d’Artisans de l’Etat s’était distingué comme un des plus brillants architectes de l’Art Nouveau au Luxembourg (e.a. ganterie Reinhard, villa Clivio, Maison Pier, Villa Pauly, maison Belair, villa Robur, Cinéma Capitole). En mars 1921, Martin avait reçu les lettres patentes pour l’invention du « Neue Bauart-System Architekt Mathias Martin », invention qu’il mit à l’épreuve pour la construction de l’Hôtel Carlton.  « Alle Decken sind aus armiertem Ziegelbeton, die Treppen aus Beton und Terrazzo“ signalait, en 1931, le notaire Edmond Reiffers dans l’annonce de vente de l’établissement. L’immeuble construit sur une parcelle de 5,10 a  est divisé en deux parties comprenant des accès séparés, et contenant 12 respectivement 14 chambres. Ces parties étaient reliées entre elles par des portes communicantes. Cette faculté assurait une plus grande flexibilité dans les affaires. Les deux immeubles disposaient d’un chauffage central, les chambres étaient reliées à la conduite d’eau, respectivement offraient des salles de bain. Le Café-restaurant était précédé d’une terrasse panoramique.

 

Grand hommage au poète national Michel Rodange

 

La façade orientée vers la vieille ville assure à l’immeuble un caractère représentatif. L’ornement des façades d’inspiration Art Déco est unique au Luxembourg, car elle se veut un monument élevé en honneur de Michel Rodange (1827-1876). Michel Betz était un admirateur du poète national luxembourgeois comme il annonce sur la façade le « Centenaire de Rodange ». La façade est enrichie d’acteurs-animaux de la fable « Renert oder De Fuuß am Frack an a Ma'nsgrëßt » publié tout juste 55 ans avant la construction de l’Hôtel. Il est notable de constater que l’Hôtel Carlton fut le premier monument à honorer Michel Rodange, le « Fiischen » à la Place Guillaume ne datant que de 1932.

 

Goldschmit et Farder au service de la profession

Le samedi de Pentecôte 1928, Jean-Pierre Goldschmit ouvrait l’Hôtel Carlton, au nom lié à toute grande ville ou station balnéaire. Le restaurant avait été géré par le maître d’Hôtel, Albert Farder, fermement engagé pour sa profession et ainsi distingué par la médaille d’argent de l’association de secours mutuels de l’industrie hôtelière. Jean-Pierre Goldschmit, qui avait acquis ses premières expériences professionnelles chez le cabaretier, Adolphe Amberg, était cofondateur du „ Verein der Saalbesitzer von Stadt und Land“ dont l’objectif fut la défense des intérêts des exploitants de salles de cafés et de fêtes gérés par des exploitants privés.

« Perroquet » - American Bar

La situation géographiquement très belle, mais à l’écart du passage exigeait la proposition de services complémentaires et toujours renouvelés. Ainsi en 1931 J.P. Goldschmit annonçait la réouverture du « Perroquet-Dancing Luxembourg », aménagé dans le style Art Déco des grands théâtres de variété parisien. L’orchestre: "Francky's and his Rythm-boys" et les  danseuses "Markoff" - étoiles de l'opéra de Riga sonnaient l’ambiance de ce nouveau « American Bar ». Or, un mois plus tard, suite au décès du propriétaire de l’immeuble, les consorts Betz proposaient l’Hôtel Carlton et le Café Perroquet en adjudication publique. A défaut de repreneur, Goldschmit poursuivit l’exploitation du Carlton et du Perroquet. A peine gagné la confiance dans l’avenir et l’engagement de nouveau personnel, le 15 novembre 1932, l’immeuble fut proposé une nouvelle fois aux enchères. Cette fois-ci, il changeait de propriétaire. La presse annonçait que l’architecte Gustave Serta s’était porté acquéreur de la propriété pour le compte de l’industriel Corneille Karp-Kneip.  A la suite de ce rachat, l’Hôtel Carlton n’est plus repris dans le Guide des Hôtels édité par l’Union des villes et centres touristiques du Grand-Duché. Le Café « Le Perroquet » continuait pourtant son exploitation.

Polizeiliches Fundbüro

Peu après l’annexion du Luxembourg au Reich et la mise en place définitive de la « Zivilverwaltung » (22 octobre 1940), la presse annonçait la liquidation au 31 décembre 1940, de 16 lits, 12 tables de chevet et 16 chaises, d’un comptoir tout récent et d’un buffet. Le bureau de police allemand s’établit dans les locaux en août 1941. Ce fut ici que se trouvait le bureau des objets trouvés de la ville.

Du « Perroquet » au « Chez Nous »

En 1946, le « Perroquet » avait repris ses activités de dancing jusqu’aux rénovations complètes. En 1947 le cabaret « Chez nous » proposait désormais tous les soirs des cocktail-apéritifs, des soirées de danse swing, agrémentées des prestations de chanteuses internationales. En 1972, le cabaret «Chez nous» se réorganisa en tant que sàrl. En 1980, il s’adressait aux visiteurs de la capitale avec ses « Attractions –Striptease ». Apprécié par les noctambules pour ses fêtes jusqu’aux beaux matins, l’établissement fonctionnait jusqu’à l’installation des rédactions de l’hebdomadaire « Revue » dans l’ensemble de l’immeuble. (Robert L. Philippart)

 

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Historique