Hôtel Clesse
Bei « Clessen Anna »
„Eines der schönsten und imposantesten Gebäude des Bahnhofsviertels“ jugeait, en 1895, le rédacteur de la revue „Das Luxemburger Land in Wort und Bild » à propos de l’ouverture de l‘Hôtel Clesse. Cet hôtel de tout premier ordre est le succès d’une femme, populaire et entreprenante: la veuve Anne Lamarle-Clesse, qui menait ce projet de la construction à la gestion.
L’entreprise d’une femme
Elle fit ériger son hôtel de 40 chambres à un emplacement clé, occupé depuis 1857 par une de ces baraques éphémères en bois que l’administration de la forteresse avait autorisé à faire construire dans le rayon militaire. Cet emplacement est choisi pour sa proximité de la gare centrale, réunissant alors les chemins de fer en provenance de Bruxelles, Metz, Trèves, Liège et Remich. La liaison avec Longwy est en phase de réalisation, les discussions pour la construction de la ligne Luxembourg-Echternach en cours. Depuis 1875, une ligne de tramway relie, à cadences régulières, les clients de la gare vers le centre de la ville. Un service de diligences se trouve au pied de l’hôtel pour les clients d’affaires. L’hôtel construit en bordure de l’avenue de la Gare, était voisin de l’hôtel des Postes qui se trouvait de 1872 à 1912 à la place de la Gare, et qui fut considéré à l’époque comme un des plus importants lieux d’échanges. L’emplacement est donc central, mais souffre des nuisances sonores, olfactives et de fumées dues au chemin de fer tout proche.
Un hôtel avec vue panoramique sur les hauteurs du Howald
Au moment de la construction de l’établissement, le propriétaire dut céder une bande de 12 m de largeur de son terrain, à l’Etat qui planifiait l’aménagement de la rue du fort Neipperg. Cette réorganisation spatiale exigeait aussi que l’hôtel à construire, doive se présenter comme un solitaire et proposer aux passants quatre façades régulières et travaillées. Côté Avenue, une belle terrasse surélevée par rapport au trottoir, et délimitée par une balustrade en pierre de taille, créait un espace intime, où le client sirotait son verre de vin, sa bière, à l’écart des flux du passage, tout en assistant au spectacle de la rue. Cette terrasse devint en 1936 la proie des travaux d’élargissement de l’Avenue de la gare, décision qui pour l’Hôtel Staar, situé en face et devant renoncer à sa véranda, allait marquer la fin.
En direction de la place de la Gare, l’Hôtel Clesse donnait sur un jardin public dessiné par Edouard André. On y trouvait des promenades circulaires, munies de bancs de repos. Un kiosque à journaux complétait ce bel aménagement occupé par des constructions depuis 1949. La véranda de l’hôtel, orientée vers ce parc offrait au touriste « den malerischsten, architektonisch schönsten Anblick (…) mit seinen prachtvollen großartigen zweistöckigen Terrassen, die mit ihren buntfarbigen Glasscheiben wie reiche Treibhäuser aussehen und von deren höchsten Terrasse (…) man einen Rundblick über das Bahnhofspanorama genießt (…) bis auf den Howald bei Hesperingen, über ganz Bonneweg und Hollerich hinweg“ (Das Luxemburger Land in Wort und Bild N°34, 1895).
Anne Clesse avait chargé l’architecte Pierre Funck du projet de construction de son établissement. Funck doit sa renommée à la construction du Casino bourgeois, du Convict épiscopal (en collaboration avec J.Fr Eydt), du Conrots’Eck, du siège de la BIL et du Cercle Municipal. Funck pouvait compter sur l’expertise d’un des grands entrepreneurs François Demuth & Frères pour la réalisation du projet de Madame Clesse.
Un hôtel métropolitain
L’Hôtel Clesse s’inspirait du confort des hôtels les plus modernes de l’époque ; d’ailleurs le chef cuisine qu’Anne Clesse avait recruté, avait acquis ses premières expériences professionnelles aux Etats-Unis ! Une annexe de l’hôtel offrait au client, à chaque étage, ses propres sanitaires et salles de bains privés, un service « wie man ihn nur in Grossstädten in Hotels allerersten Ranges findet ». (Das Luxemburger Land in Wort und Bild). L’établissement disposait d’un chauffage central, un luxe quasi exclusivement réservé aux édifices publics. Une centrale électrique propre à la maison permettait d’éclairer tous les étages. Curieusement, les sources de l’époque ne mentionnent pas d’ascenseur pour un pareil établissement. L’hôtel offrait des chambres pour familles, des chambres de luxe, ainsi que des chambres pour les domestiques accompagnant les clients. Leur mobilier était flambant neuf dans le but «den verwöhntesten Geschmack vollauf zu befriedigen». Le rez-de-chaussée proposait un Café, un restaurant, des salles de lecture et de billard, une cuisine de taille impressionnante. L’aménagement de l’immeuble était fonctionnel comme le soulignait la préoccupation de l’architecte. Les cages d’escaliers étaient magnifiquement éclairées par la lumière naturelle, un autre atout pour la sécurité du client. Le „Café Grand Place“ (architecte Charles Müllendorf, 1895) et le restaurant de l’Hôtel Clesse comptaient parmi les lieux les plus prestigieux de la capitale. »Ledertapeten, reich dekorativ gehaltene Plafonds, welche schön gegliedertes Holzgetäfel mit bemalten Panneaux täuschend imitieren, drücken dem Ganzen eines hocheleganten, gediegenen Kunstgeschmack verratenden Stempel auf, das schöne, vielfach reich skulptierte Mobiliar erhöht noch diesen Eindruck «. Cette description ne mentionne toutefois pas les frêles colonnes de fonte aux décors d’arabesques, qui permettaient l’aménagement d’une grande salle sans murs de soutènement ou de cloisons.
Apprécié pour ses plats d’escargots
Malgré ce décor opulent, le restaurant de l’Hôtel Clesse proposait des menus à « prix modérés », offrait des « tables d’hôte » et assurait une « cuisine à toute heure ». L’héliciculture fut un service exceptionnel de la maison. Les 35.000 escargots tenus dans un espace attenant à l’hôtel furent nourris par du plâtre et des déchets de cuisine. Le client pouvait choisir les exemplaires les plus appétissants pour se les faire servir préparés à l’instant.
300 chambres ultra-modernes s’ajoutent en 2 ans
L’ouverture de l’Hôtel Kons et de l’Hotel Alfa, à 150 m de l’Hôtel Clesse, en 1932 et 1934 avaient créés en un laps de temps très court 300 chambres d’hôtel ultra-modernes. Dès la suppression de la terrasse du restaurant en 1936, des projets de conversion du site naissaient. Il était même question de vouloir construire un cinéma à la place de l’Hôtel. Certains se rappellent d’ailleurs que finalement une des sorties du Cinéma Eldorado à la place de la Gare (1949) se faisait par l’ancienne entrée du restaurant de l’Hôtel Clesse. Le rez-de-chaussée allait être subdivisé en commerces. L’hôtel a fermé ses portes en 1960 et l’immeuble a été rasé en 1992. (Rolph).