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Hôtel de France

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel de France 

Robert L. Philippart 

L’ancien Hôtel de France était situé au coin rue Dicks / rue Sainte-Zithe dans un immeuble construit en 1926 sur deux parcelles faisant partie de l’îlot « A » du plan d’aménagement des anciens terrains militaires au plateau Bourbon. Ces terrains étaient en provenance de l’ancienne forteresse et appartenaient à l’Etat. Ils n’étaient lotis que 40 ans après le départ de la garnison !   

Partie d’un urbanisme de qualité 

Cet îlot faisait partie de l’ensemble urbanistique des deux côtés de l’avenue de la Liberté  sur la section limitée par les place de Metz et de Paris. Cet aménagement urbain de haute qualité était conçu sur base des plans de l’ingénieur paysagiste français, Edouard André, et de l’urbaniste allemand Joseph Stübben. La construction le long de l’avenue de la Liberté toute proche avait commencée en 1904 suite à l’inauguration du chemin de fer Luxembourg-Echternach qui traversait cette voie magistrale. De nos jours, le quartier où se situait l’ancien Hôtel de France est bordé par la place de Paris, la rue Dicks, la rue Sainte-Zithe et l’Avenue de la Liberté. Cette dernière forme la limite extérieure de la zone tampon de « Luxembourg, vieux quartiers et fortifications », patrimoine mondial de l’UNESCO. L’Hôtel de France est compris dans ce périmètre. 

Situation centrale 

Quoique situé à 900 m de la gare centrale et à l’écart des flux de l’Avenue de la Liberté, et malgré son orientation en direction du Fieldgen et non pas en direction de la ville haute à l’instar de l’Hôtel Carlton (2, rue Dicks), cet établissement profitait néanmoins d’une certaine centralité.  

Le nouvel Hôtel était situé en face de la clinique Sainte-Thérèse et du Cinéma Marivaux. Lors des bombardements de la ville en 1918, le couvent Sainte-Zithe, situé en face du terrain qui sera occupé par l’Hôtel de France, servait de «Interkommunale  Sanitätswache».  De nombreux   blessés y étaient soignés. Les sœurs infirmières engagées dans les soins allaient y ouvrir en 1921 la clinique Sainte-Thérèse. La construction d’un hôpital moderne fut entreprise en 1924. En 1927, le cinéma Marivaux allait ouvrir ses portes juste en face du futur Hôtel de France avec une capacité pour 700 spectateurs. Les visiteurs tant de la clinique que du cinéma compensaient en partie l’absence d’une clientèle de passage que l’on trouvait sur l’avenue de la Liberté. La construction du futur Hôtel de France inaugurait une vague d’ouverture d’une quinzaine d’hôtels au quartier de la gare[1]. Le guide des Hôtels publié en 1938 par l’Union des villes et centres touristiques, recensait 973 chambres pour ce seul quartier de la ville. Cette capacité fut la plus élevée de tout le pays. L’ouverture de tant d’établissements touristiques confirme la confiance des investisseurs dans l’immobilier au lendemain du « Krach financier de 1929 ». 

Café Scholer à la place Guillaume II 

Le 25 août 1927, Pierre Scholer-Schmit annonça le transfert de son « Café Scholer » de la place Guillaume II au coin des rue Dicks et Sainte-Zithe.  Pierre Scholer était parent de l’ancien cabaretier de même nom établi à la rue de l’Eau. Entre 1879 et 1884 celui-ci fut agent d’émigration. Il travaillait avec « Steinmann & Ludwig » d’Anvers qui assurait des traversées de l’Océan en voiliers. Cette entreprise cessa ses activités suite au naufrage du « Daniel Steinmann », le 20 mars 1884. Scholer organisait l’émigration vers New York, Philadelphia, Boston, Baltimore, Québec, Montréal, New Orleans. Trente ans plus tard, le Café Scholer désormais situé à la Place Guillaume mettait sa salle au premier étage à disposition de plusieurs associations, dont notamment des syndicats. Pierre Scholer-Schmit avait repris l’ancien Café Nitschké exploité par le fondateur de l’Hôtel Français à la Place d’Armes. La salle Scholer accueillait ainsi en 1924 l’association des maîtres coiffeurs pour dames et hommes, en 1924 et 1925 l’association des cafetiers, l’ »association musicale », nom du syndicat des musiciens luxembourgeois qui comptait à l’époque quelque 150 membres y avait établi son siège. S’y préparaient à chaque fois des prises de positions pour la défense des intérêts des professions libérales. 

Café Scholer à la rue Sainte-Zithe 

Installé à la rue Sainte-Zithe dans une nouvelle construction, à partir du mois d’août 1927, Scholer y rencontrait une clientèle totalement différente, ses anciens clients ne l’ayant pas suivi. A la nouvelle adresse, le cabaretier poursuivit son service à table qu’il avait offert à ses clients au centre-ville. Il proposait des buffets froids assortis de bières de la brasserie Bofferding. La salle du Café au quartier de la gare fut recherchée pour l’organisation de ventes publiques immobilières. Or, en 1928, Pierre Scholer allait arrêter ses activités et le mobilier de l’établissement comprenant également du mobilier de terrasse, fut vendu.  

Hôtel de France, les heures de gloire 

Le Café Scholer devint alors Hôtel-Restaurant de France. Pierre Esslingen y servait le petit-déjeuner et des repas à midi et le soir. Les menus pour le réveillon de 1932 étaient hautement appréciés. Esslingen visait une clientèle internationale et d’affaires. Ainsi, il présentait sa maison dans le catalogue que le Gouvernement publiait avec le concours du Conseil économique, des chambres professionnels et de l’association des journalistes luxembourgeois à l’occasion de l’exposition universelle et internationale de Bruxelles en 1935. L’Hôtel de France offrait 26 chambres avec salles de bains, eau chaude et froide. Des « brave Zimmermädchen » étaient recrutées pour assurer l’entretien des chambres. Même le personnel de cuisine était féminin. Les chambres étaient chauffées grâce au chauffage central. L’établissement indiquait à ses clients l’existence d’un parking à proximité.  Cette clientèle devait sans doute se déplacer dans le pays pour vaquer à ses affaires.  

En avril 1938, Pierre Esslingen représentait la gastronomie luxembourgeoise par un « Ausstellungsrestaurant » à la « Nationale und Internationale Industrie-und Fachausstellung für das Gaststättengewerbe und Nahrungsmittelgewerbe“ à Luxembourg. Esslingen avait commencé sa carrière comme garçon de salle au Café Schausten à Hollerich avant d’ouvrir le Café Esslingen au boulevard de l’Alzette (Boulevard d’Avranches). Pierre Esslingen exploitait l’Hôtel jusqu’en 1940, date à laquelle il ouvrait le Café Esslingen à la Place de l’Etoile.  

Hôtel Lido 

Un nouveau chapitre allait s’ouvrir sous le nom de « Hôtel Lido ». Si l’Hôtel de France semble avoir visé une clientèle francophone, ici la consonnance est italienne. La cible semble s’orienter vers les nouveaux immigrants au pays, un peu suivant le modèle des hôtels Cécile et Régina à la rue Joseph Junck.  En 1960, l’Hôtel Lido n’offrait plus que 14 chambres, la propriété étant morcelée et revenant à ces parcelles cadastrales originales. L’entrée de l’Hôtel Lido était renseignée au 39, rue Sainte-Zithe. Le service de repas à midi et le soir était abandonné, seul restait le petit déjeuner. Comme hôtel de ville, l’établissement était ouvert toute l’année. Entre 1964 et 1968, le nombre des chambres augmentait à 18, les services offerts n’ayant plus varié depuis l’ouverture de l’établissement en 1927 ! En 1970 Camille Martini reprit l’enseigne à consonnance italienne à son nom.  L’Hôtel Lido ne participait plus à l’édition du Guide officiel des hôtels et restaurants luxembourgeois publié par l’Office National du Tourisme. Sa clientèle ne se recrutait plus dans le domaine du tourisme de loisirs. ». Transformée en « Lido sàrL » en 1988, l’exploitation de l’hôtel se poursuivait jusqu’en 2008. La société fut liquidée le 8 mai 2020. 

Cuisine exotique 

En 1980, la maison se présentait comme « Auberge-Restaurant-Grill A.B.C. ». Joaquim Jean y préparait des spécialités espagnoles (paella), arabes (couscous) et portugaises (Bacalhao). Dans sa publicité il insistait sur le caractère « très modéré » des repas à midi. La maison apportait un peu de chaleur à ceux qui avaient quitté leur pays pour un meilleur avenir professionnel en proposant « un cadre typiquement rustique – ambiance méridionale. En 1981, Eveylne Maro ouvrait le Café Lord Nelson au rez-de-chaussée. La brasserie «New Lord Nelson », dont le nom rend hommage au vainqueur britannique sur Napoléon sert jusqu’à nos jours la bière de Diekirch.  Le rez-de-chaussée de la partie du bâtiment qui longe la rue Dicks est occupé depuis 1999 par le « Bar-Food-Sports » « New Crossfire ». Les deux Cafés servent de la bière de Diekirch et vantent « l’accès à internet ». Depuis 2009, le restaurant « Tibet », servant de la bière Bofferding, installé dans la partie du bâtiment sis au N°39 de la rue Sainte-Zithe est apprécié pour ses spécialités indiennes, népalaises et tibétaines. 

 

[1] ’Hôtel Alfa, Hôtel du Globe, Hôtel de Metz, Hôtel Feipel, Hôtel du Midi, Hôtel du chemin de fer, Hôtel des Mille Colonnes, Casa Vinicale Italiana, Hôtel Victoria, Hôtel Cosmopolite, Hôtel des Belges, Hôtel Embassy, Hôtel Atlanta, Hôtel du Nord. Ils venaient se joindre aux grands existants tels que l’Hôtel International, l’Hôtel  Kons, le Grand Hôtel Staar, l’Hôtel Clesse,  l’Hôtel Central-Molitor, l’Hôtel  Moderne , l’Hôtel des Voyageurs, l’Hôtel de la Paix, l’Hôtel Carlton ou encore l’Hôtel Biver-Kongs. 

 

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Historique