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Hôtel Entringer

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel Entringer

Robert L. Philippart

L’ancien Hôtel Entringer était situé à l’angle des rues Notre-Dame et Philippe II en direction du boulevard Royal. Depuis 1952, la parcelle est englobée dans l’ancien siège de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) servant depuis 1989 de Ministère de l’Education, de l’Enfance et de la Jeunesse.

Voisin de la synagogue

Suite à la suppression de la forteresse en 1867, des plans furent présentés en 1869, pour aménager la rue Notre-Dame en ligne droite à partir de la rue Chimay en direction du futur boulevard Royal. Le Casino bourgeois fut, en 1880, le premier établissement à s’installer dans la partie supérieure de la rue.  Vers 1890 seulement, la densification augmentait dans ce nouveau quartier. Dans ce cadre, la Caisse d’Epargne de l’Etat s’établit en 1891 au coin rue Notre-Dame / rue Aldringen. L’îlot formé par la rue Philppe II, la rue Beaumont et la rue Aldringen était occupé au lendemain de l’ouverture de la ville par la prestigieuse maison du Baron de Maréchal de Bâle construite aux alentours de 1750. Elle formait l’angle de la rue Beaumont et de la rue Philippe II. En contrebas, se trouvait la maison Lazard-Levy que l’hôtelier Jean Entringer allait acquérir en 1890 pour y construire un hotel.  Les autres parties de cet îlot étaient toujours occupés par des jardins. En 1890 également, le Consistoire israélite allait acquérir le terrain contigu à l’hôtel Entringer pour y élever la synagogue de la ville. Ce majestueux édifice fut inauguré en septembre 1894. Son architecture mauresque fut vantée dans tous les guides touristiques de l’époque. La synagogue, profanée en 1942, devint la proie de la fureur de destruction des nazis au début de l’année 1943.

« Bauernhotel »

L’Hôtel Entringer ouvra ses portes en 1893 au N° 40, rue Philippe II. Flambant neuf, l’hôtel profitait immédiatement des nouveaux services urbains, comme le raccordement au gaz et à la conduite d’eau. L’établissement offrait le chauffage central. Chacun des trois étages disposait de ses propres sanitaires. L’immeuble s’adossait, côté rue Philippe II à la maison du Maréchal de Bâle. Le pan coupé à l’angle formé avec la rue Notre-Dame était rehaussé par de puissants balcons puisant leur vue à la vallée de la Pétrusse. Côté rue Notre-Dame, l’hôtel à trois étages et aux décors néo-baroques présentait un pignon aveugle donnant sur le terrain de la communauté israélite. Leur propriété était ainsi protégée des regards indiscrets de touristes logeant à l’Hôtel.

L’établissement ne visait pas les touristes comme clients prioritaires. Déjà en 1890, Jean Entringer voulait construire un « Bauernhotel » pour les paysans venant pour des affaires en ville. La grande salle au rez-de-chaussée était régulièrement louée à des notaires pour des ventes publiques d’immeubles. La clientèle recherchée pour les chambres se composait de pensionnaires, dont des employés, mas également de jeunes étudiants fréquentant l’école d’Artisans de l’Etat, respectivement l’école d’Industrie et du Commerce. La majorité des étudiants fréquentant l’Athénée grand-ducal  habitait à l’internat du Convict épiscopal. En 1896, les chambres étaient données en location, soit de façon meublée, soit non meublée. A partir de 1904, l’hôtel proposait un « Studentenmittagstisch » dans une de ses deux salles-à-manger. Quoique signalé comme « bestbekanntes Hotel », la vie sociale ne s’y jouait pas. Les assemblées générales d’associations ou de syndicats étaient exceptionnelles, pas de bals, ni de jeu de billard, ni de spectacles. Les concerts d’automne de 1928 ne représentent que des événements éphémères. Seul, un piano électrique faisait partie des éléments d’animation.

Gestion difficile

Malgré, sa belle situation, l’établissement peinait du manque de développement commercial de la partie ouest de la ville. Celui-ci n’apparut qu’avec l’ouverture du pont Adolphe et les constructions d’immeubles de rapport et de commerce au Piquet et à la rue Philippe II à partir de 1933.

Cette localisation longtemps difficile explique sans doute les nombreux changements des exploitants. Le nom de l’enseigne n’a pourtant jamais changé: Jean Entringer et son épouse Catherine Glaesener  exploitaient l’établissement de 1891 à 1913. En 1912, la veuve Catherine Entringer-Glaesener allait louer tout le deuxième étage de l’établissement. La location de ces 4 à 5 chambres ne fut plus liée au service de restauration de la maison. En 1913, la veuve Jean Entringer céda l’établissement en location à Thomas Schaupel, tonnelier, puis chef de la cantine de la brasserie Mousel à  Clausen. Schaupel proposait désormais une cuisine soignée et bourgeoise, des chambres et des lits dont il vantait explicitement la propreté. Les pensionnaires restaient toutefois la gamme de clients directement visés. En 1914 le Dr Auguste Wagner, époux de Léonie Entringer, la fille de Catherine Entringer-Glaesener allait donner en location tout le premier étage de l’établissement. Restaient le rez-de-chaussée avec ses deux salles-à-manger, sa cuisine et sanitaires communs et le troisième étage comme surface d’exploitation hôtelière.

Après le décès de Catherine Entringer-Glaesener en mars 1922 et le partage des biens, l’Hôtel Entringer fut mis en vente. La maison proposait sur trois étages au total 26 chambres, dont une, plus grande, pouvait servir de lieu de réunion.  Alors que Jean Entringer avait acquis le terrain avec ses constructions initiales pour 60.000 francs, Thomas Schaupel acquit cette propriété en 1925 pour 290.500 francs. En 1928, l’exploitant P. Emmel avait du mal à faire redémarrer les affaires, cherchant vainement à attirer comme clientèle des cinéastes de passage. Il tolérait la descente de clients accompagnés de dames. En août 1935, l’Hôtel fut à nouveau remis en location. Après d’amples rénovations, l’établissement rouvrait en 1937 sous la gestion d’Irma Feltz-Pfeffer. La cuisine était « erstklassisch bürgerlich », arrosée de vins luxembourgeois et de bières « Henri Funck », de liqueurs et de digestifs. L’entreprise semblait avoir bien démarrée comme des salariées furent recrutées pour la cuisine, le service des chambres.

Bureau comptable de la ville

L’occupation nazie allait changer la situation. 1942 marquait la fin de l’établissement. La ville de Luxembourg allait louer tout l’immeuble pour y loger ses services de comptabilité, le cadastre et le bureau des taxes et des recettes.

Siège des mouvements de résistance

Le 10 septembre 1944 des unités de la 1ère armée américaine avaient libéré le Luxembourg, mettant fin à quatre années et demie d’occupation nazie. Aussitôt, l’Hôtel Etringer devint le siège de l’UNIOUN, c’est-à-dire l'union des mouvements de résistance luxembourgeois. Le 12 septembre 1944 l’Unioun Wuermer s’y réunit déjà à la chambre N°12 de l’établissement. Le 10 octobre 1944 l’UNIOUN s’était définitivement établie à l’Hôtel. Au rez-de-chaussée était établi l’accueil, la souscription, l’expédition. Au premier étage, la direction occupait le centre du bâtiment et était flanquée d’une salle de conférences et des bureaux des services comptables. Le second étage regroupait les bureaux de la milice des districts de la Moselle et de la Sûre, un corps de garde et les bureaux du secrétariat. Au troisième étage se trouvaient les bureaux de la milice de la circonscription de la capitale ainsi que les services juridiques et de communication. C’était ici qu’eut lieu, le 17 septembre 1944, l’interrogatoire de l’ancien Premier Ministre Pierre Prum (1925-1926). Le 28 novembre 1946, Prum fut condamné à quatre ans de prison pour collaboration avec l'occupant nazi.

Siège de la CECA

La capitale du Grand-Duché, devenue, dès le début des travaux de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, le premier lieu de travail de ces institutions communautaires, avait besoin de bureaux de travail.  L’emplacement de l’ancienne synagogue étant libre depuis sa destruction, l’architecte de l’Etat Hubert Schumacher y réalisa entre 1952 à 1953 le siège nécessaire au bon fonctionnement de la CECA. Le projet de construction intégra l’Hôtel Entringer dans la première phase de construction, la maison du Maréchal de Bâle dans la deuxième (1953).

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Historique