Hôtel Gevelinger- Hôtel Schintgen – Hôtel Simoncini
Hôtel Gevelinger- Hôtel Schintgen – Hôtel Simoncini
L’hôtel Simoncini qui forme le coin des rues Chimay et Notre-Dame a repris la continuité des Hôtel Gevelinger et Schintgen jadis logés à la même enseigne, même si leur entrée était située au coin formé avec la rue Chimay (N°25). L’emplacement de l’hôtel occupe deux anciennes parcelles inscrites au plan cadastral de la ville de Luxembourg de la première moitié du XVIIe siècle.
A proximité de la halle au blé et de la Cathédrale
Du temps de la forteresse et jusqu’en 1864, le site de l’hôtel donnait sur l’ancien magazine des poudres « Marie-Thérèse » ainsi que sur la caserne du même nom. L’immeuble touchant à l’escalier menant à la place Guillaume avait été construit en 1869. « Le nouveau quartier » aménagé sur l’îlot formé par la rue de l’ancien Athénée, la rue Notre-Dame, la rue Chimay et le boulevard F.D. Roosevelt proposait des logements et magasins et était relié au viaduc menant à la gare centrale. Les arcades en-dessous du nouvel hôtel de Ville servaient à l’époque de marché couvert.
Gebuerthaus vum Mëchel Lentz
L’ancien N°25 de la rue Chimay comptait parmi les joyaux de la vieille ville. Portant le millésime de 1671, cet immeuble avait été érigé du temps de l’ingénieur Jean-Charles de Landas, Comte de Louvigny à l’époque espagnole. La maison avait survécu la prise de Luxembourg par les troupes de Louis XIV en 1684. Sa porte d’entrée était formée de deux pilastres, surmontés d’un fronton surbaissé. Au-dessus du fronton, une sculpture en bas-relief montrait un losange avec emblèmes, entouré d’une couronne de feuillage enrubannés. Les emblèmes représentaient une épée et une faux, passées en sautoir et brochant sur une lance à fanon posée en pal avec le lettres G: à droite et N. à gauche. Jusqu’à nos jours l’interprétation des insignes a soulevé plus d’hypothèses que fourni des réponses définitives. Ces éléments avaient été intégrés dans la façade de l’hôtel en 1937, mais ont été enlevés au cours de la dernière rénovation.
Cet immeuble ainsi que la propriété attenante avait été acquis en 1817 par Jean-Pierre Lentz, qui y exploitait sa boulangerie et un café jusqu’ à sa mort en 1849. Son fils, Michel Lentz, futur poète national y naquit en 1820. Il avait fréquenté l’Athénée, situé à quelques mètres de sa maison natale avant de devenir, en 1843, expéditionnaire au secrétariat du gouvernement, puis Conseiller à la Chambre des Comptes. Michel Lentz se rappelait de son enfance passée au Café de son père: „In den Tagen der Muttergottes-Oktave kamen die Leute von weit her schon abends an, um andern Tages in der Frühe ihre Andacht vor der Trösterin der Betrübten zu verrichten. Sie waren natürlich mit der Münze nicht dick da, sie tranken abends ihr Schüppchen beim Lentz und blieben sitzen, bis sie einschliefen. Wenn es dann Mitternacht wurde, ging der alte Lentz mit einer grossen Pfanne durch alle Stuben, schlug darauf mit einem Stück Holz, bis die Schläfer wach wurden, und sagte, wenn sie einen dicken Sou bezahlten, dürften sie hocken bleiben bis morgens. Und natürlich blieben sie alle hocken“. (Jong-Hémecht 12.01.1936). Les jours de marché, des vendeurs de machines agricoles exposaient leurs produits à une clientèle en provenance de la campagne.
L’auteur du « Feierwon » et de la « Hémecht », auteur de « Spaass an Iescht » s’est éteint le 7 septembre 1893 dans la maison N° 1 de la rue Notre-Dame, soit le « Neit Lentzenhaus » qui lui était échue suivant acte de partage en 1876. Cet immeuble construit en 1869 offrait au rez-de-chaussée une boutique et 3 chambres. Chacun des trois étages offrait un appartement à trois chambres avec cuisine. Des mansardes étaient aménagées sous les combles. La propriété sera vendue par ses héritiers en 1917. En 1877, les héritiers Lentz avaient fait adjuger à long termes de crédit le N°25 de la rue Chimay, dit « Alt Lentzenhaus ». Il s’agissait d’une « maison, renommée depuis de longues années par son commerce de vin et de farine et située dans un des quartiers les plus fréquentés de la ville, à proximité de la halle-aux-blés, de la cathédrale et du nouveau quartier en voie de construction » (Indépendance luxembourgeoise, 9 novembre 1877). A l’époque le rez-de-chaussée était occupé par le restaurateur « Mousel ». Deux plaques commémoratives placées à l’entrée de l’hôtel rappellent la mémoire de Michel Lentz.
Hôtel Gevelinger
En 1893, la maison échut à Dominique Gevelinger qui rehaussa l’immeuble d’une façade à ornements et qui y établit un Café et une auberge. Le Café Gevelinger fut à deux reprises endommagé par le feu en 1900 et 1901. Dominique fut un homme très pieux, membre de la sodalité du rosaire, mettant ses locaux à la disposition der « Erzbruderschaft der Hl Anna » regroupant les tailleurs catholiques de la ville. Son fils Joseph allait devenir abbé, premier curé de Belair et initiateur de la construction de l’église St Pie X à Luxembourg-Belair.
L’Hôtel Gevelinger était le rendez-vous privilégié de Luxembourgeois, comme le guide « Woerls Reisehandbücher » de 1912 ne le mentionne ni comme auberge, ni comme café. En 1923, les consoeurs Gevelinger annonçaient la vente de leur établissement « im Erdgeschoss: Speisesaal, Cafe-Lokal, Küche und Hofraum, auf dem 1. Stock; grosser Saal und 3 Zimmer, auf dem 2. Stock: 5 Zimmer. Ferner 2 Mansarden, geräumige Speicher und Keller „ (Luxemburger Wort 4.10.1923). Les frères Emile et François Schintgen originaires de Keispelt acquirent le fonds de commerce en 1928 et exploitaient l’établissement comme « Hôtel Gevelinger » jusqu’à l’achat de la propriété en 1936. Ils rénovaient les chambres à coucher, acceptaient des pensionnaires, proposaient la cuisine chaude et froide pendant toute la journée. Le restaurant servait de la bière de Clausen, du vin luxembourgeois et préparait des menus spécifiques pour les pèlerins de l’Octave.
Hôtel Schintgen
Deux mois seulement après l’acquisition, les travaux de démolition commençaient le 16 novembre 1936. Les frères Schintgen avaient transféré pendant les travaux leur établissement au N°4 du boulevard du Viaduc (Bd F.D. Roosevelt).L’architecte Will Olinger (1901-1976) en collaboration avec l’entrepreneur P. Seiler avait conçu les plans de cet établissement moderne proposant 30 chambres avec salles de bains, eaux chaude et froide, ascenseur. La place Guillaume servait de parking aux clients. Le 1er juillet 1937, le nouvel établissement fêtait son ouverture et allait porter désormais le nom d’Hôtel Schintgen. Le recours au béton armé avait permis cette construction en un temps record de 6 mois. « Aus dem früheren, so bescheidenen Hotel Gevelinger ist ein großstädtisches, fünfstöckiges Hotel emporgewachsen, das tagsüber seinen Blick über das Dächermeer der Stadt in die Weite wirft und an den Abenden mit seiner buntfarbig schillernden Fassade die Augen auf sich zieht“ annonçait la Obermoselzeitung le 10 octobre 1937. L’Hôtel Schintgen, qui allait intégrer par la suite dans une extension le « Neit Lentzenhaus » pour passer à une capacité de 36 chambres avec restaurant à l’étage, devint un lieu incontournable du Luxembourg : rendez-vous des légionnaires de la 1ère guerre Mondiale, des vétérans américains après 1945, de l’International Club du Luxembourg (1946). Nombreux furent les fêtes des anciens de l’Ecole Normale ou de l’Ecole d’Artisans, les assemblées générales de l’Automobile Club de Luxembourg, du Syndicat d’Initiative de la ville de Luxembourg, de l’Union commerciale, les noces et communions organisées dans la grande salle à l’étage. Les places aux fenêtres du restaurant au 1er étage furent très prisées le jour de la procession de clôture de l’Octave. L’association des entrepreneurs de transports par autocars et par camions, la fédération luxembourgeoise de basketball furent fondées à l’Hôtel Schintgen. En 1972, l’Hôtel proposait à ses clients la chasse privée. Les 36 chambres « avec douches, toilettes et téléphone » (1980) étaient offertes en petit déjeuner, l’établissement ne disposant plus de restaurant. Le magasin « Télé-Disc » était installé au rez-de-chaussée, le rayon de musique classique ayant progressivement investi l’ancien restaurant à l’étage. Issu de l’hôtel, Jean Schintgen devint secrétaire général de l’Horesca et vice-président de la Chambre de Commerce. L’enseigne fut vendue en 2006 et après deux ans de transformations lourdes, l’Hôtel Simoncini propose depuis 2008, 36 chambres. L’établissement dispose de sa propre galerie d’art. Robert L. Philippart