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Hôtel Paris Palace

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel Paris Palace

Si un hôtelier a donné le nom à nouveau quartier de la ville, « la Cloche d’or », il en fut  de même pour la place de Paris, qui portait d’abord le nom de place de l’Eventail. L’urbanisation du plateau Bourbon commençait en 1906 avec la mise en vente des anciens terrains domaniaux en provenance de la forteresse. L’urbanisation de la section comprise entre la rue Jean Origer et la place de la Gare remonte à 1904. 

 Des hôtels prêts à accueillir les clients de l’ARBED

L’ensemble des propriétés limitées par les rues du Fort Elisabeth, l’avenue de la Liberté et la rue Ste Zithe constituent un écran en segment de cercle destiné à signaler l’entrée à ce nouveau quartier de la ville. Le Ministère de l’Intérieur avait veillé à une architecture harmonieuse, alternant l’espace ouvert des rues avec l’espace fermé des constructions. L’Hôtel Moderne faisant écho à l’Hôtel de Paris en bordure de la rue du fort Elisabeth, avait été construit en 1912. Sa démolition vers 1960 brise jusqu’à nos jours l’harmonie et l’ampleur de l’ensemble urbain voulue par les planificateurs.

L’inauguration du pont Adolphe avait suscité l’ouverture de plusieurs établissements le long de l’avenue de la Liberté  nouvellement aménagée: l’Hôtel Staar (1904), l’Hôtel de Paris (1912), l’Hôtel Moderne (1914), l’Hôtel Central Molitor (1913). Cette hôtellerie  avec chauffage central, électricité et tout confort « hygiénique» n’attendait que l’établissement d’une grande entreprise à proximité pour accueillir les clients de celle-ci. Il fallut toutefois patienter jusqu’en décembre 1922 pour voir inaugurer le palais de l’ARBED (N°19) au centre de l’avenue.

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Créer les « champs Elysées luxembourgeois »

L’entrepreneur Pierre Seyler avait acquis en 1908 un terrain de 2,85 a au prix de 28.500 frs. Le « Grand Hôtel de Paris », sis 4, Place de Paris,  qu’il allait faire construire est donc l’aîné de ces nouveaux établissements au plateau Bourbon. Sa conception avait été confiée à Joseph Nouveau et à Léon Muller,  anciens élèves de l’illustre architecte de la gare d’Orsay, Victor Laloux. Nouveaux et Muller s’étaient distingués par la construction du sanatorium à Vianden, la Clinique d’Eich, la transformation du Casino. Les architectes ont développé une façade dans le style haussmannien et s’inspiraient des concours lancées, au tournant du XIXe/XXe siècle, pour la construction d’immeubles de rapport à Paris. Pour Luxembourg, ils respectaient le cahier des charges de l’Etat, qui exigeait la construction de trois étages sous mansardes et l’aménagement de combles. Les façades qui se déploient sur trois pans rappellent une ordonnance très classique. Le balcon à grille en fer forgé cerne le bâtiment  et le divise en deux parties. Le rez-de-chaussée renfermait un vaste restaurant avec terrasse, soit un lieu pour voir et être vu. Des arcs en anses de paniers cadrent les immenses vitrines qui font fusionner intérieur et extérieur du Café-Restaurant. Encore en chantier, sa plateforme supérieure accueillit un jeune orchestre qui y donna un concert le 10 mai 1910 à l’occasion du spectacle que représentait le passage d’un météorite.

 

Situé à proximité du poste de paiement de la taxe d’octroi

Dès son ouverture en janvier 1912, l’établissement dirigé par Carl Letzguss servait des plats du soir et proposait des « dîners & soupers im Abonnement ». Il servait des plats français et allemands.  La spécialité de la Maison fut la bière du Königliches Hofbräuhaus München et celle de la brasserie Henri Funck. La large promotion de la bière allemande s’explique par l’adhésion du Luxembourg à l’Union douanière avec l’Allemagne. La salle de fêtes et de réunion, à l’étage, avait souvent été utilisée comme salle de spectacles, accueillant tant les violonistes de la musique militaire, que des magiciens, de cabaretiers, de chanteurs, mais aussi des réunions et des fêtes de familles. La maison était réputée pour ses soirées de billard. Au cours de la première guerre mondiale, la famille Niedner et Becker  exploitaient l’établissement pendant un bref moment. En juin 1917, Charles Barnich-Trausch, négociant en vins et spiritueux de Bruxelles, acquit l’immeuble au prix de 250.000 francs. En 1920, la commune de Hollerich est intégrée à la ville de Luxembourg. Du coup, le paiement de la taxe d’octroi sur les marchandises, au poste des frontières communales, soit à la Place de Paris, est supprimé, la totalité du territoire est devenu ville.

Siège de la Columeta

Rapidement, Barnich vendait le mobilier de l’établissement, pour louer l’immeuble, dès 1920, à l‘ARBED, qui, après l’incendie du Comptoir Métallurgique luxembourgeois (COLUMETA) au marché aux Poissons, en avril 1921, y installa ce service de promotion des produits sidérurgiques. COLUMETA y restait jusqu’à la fin de décembre 1922. Après ce départ, Charles Barnich transforma sa propriété en «Hotel Paris-Palace » et le vendait en juin 1926 pour la somme de 900.000 francs à la famille Schock-Weber de Grevenmacher dont les héritiers restaient propriétaires jusqu’en 1974.

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« Paris-Palace»

Chaque chambre était équipée de bains et de WC et de téléphones privés. L’hôtel proposait aussi des appartements avec salles de bains. Les chambres dans les combles étaient réservées au personnel.  L’entrée de l’hôtel était aménagée dans la partie sud du bâtiment. Dès 1928, les clients fidèles appelaient l’établissement amicalement  chez « Brauns Pierchen ». Pierre Braun-Petit était une célébrité de la gastronomie et de la pâtisserie luxembourgeoise. Il représentait d’ailleurs la restauration du Grand-Duché au pavillon luxembourgeois de l’Exposition  Internationale de Liège en 1939. Son nom est également associé  à l’Hôtel Alfa (1937) et au Pôle Nord (1940). Henri Petit-Bai allait prendre sa relève. Il promouvait des « chambres à prix modérés », comme les hôtels Alfa, Cravat et Schintgen venaient d’ouvrir flambant neuf.  Il proposait en exclusivité des « American Drinks». Pendant la Guerre le « Pariser Hof » fut vanté comme  « das Haus der gepflegten Küche ». En 1953, une équipe de 30 personnes fut à la disposition des clients du restaurant / pâtisserie et des 34 chambres d’hôtel.  A partir de 1958, Gusty Hetto-Remmerie avait fait de l’hôtel le rendez-vous de la bourgeoisie aisée du quartier, qui venait jouer au salon une partie de bridge, de « skat », de « Rami ». L’Hôtel de style fermait le 30 septembre 1974, suivant ainsi la voie déjà empruntée par le Grand Hôtel Brasseur, L’Hôtel Cécile, l’Hôtel Graas. L’Hôtel Continental va clôturer une liste bien plus longue que ces énumérations. Un nouvel type d’hôtels aux standards nouveaux allait ouvrir : Hotel Holyday Inn, Sheraton Aérogolf, Intercontinental.

 1er immeuble à être protégé à l’Avenue de la Liberté

 La société « Eurotextile » du groupe de Hans Göggler, avait acquis l’immeuble de l’Hôtel de Paris en 1974. Son intention était de le maintenir en place, mais le groupe fit faillite, et la propriété dut passer à la vente en 1976. Entretemps, la construction avait souffert de l’abandon. La Banque Internationale et la société immobilière de l’architecte, Paul Retter, (Réalisations Immobilières Luxembourg) se portaient nouveaux acquéreurs. Ils voulaient construire un immeuble de tendance moderniste. Le Syndicat d’Intérêts Locaux de Luxembourg-Gare réussit alors une réelle levée de boucliers en recueillant 4.000 signatures en pétition réclamant la sauvegarde de l’immeuble. Le projet  de l’architecte ne fut pas approuvé par la Commission d’Urbanisme et des Bâtisses. Le 6 juillet 1978, le Ministre de la Culture inscrit la propriété sur l’Inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux protégés, laissant au propriétaire la liberté d’adapter l’intérieur à ses besoins. Les architectes René et André Mailliet assuraient la conversion de l’immeuble en agence de la BIL et de la Hessische Landesbank. Les agences y ouvraient leurs portes en 1980. Suite aux restructurations internes DEXIA  / Bil a changé d’adresse. Le rez-de chaussée a été occupé ensuite par un cabinet de juristes et depuis 2014 à nouveaux par des restaurants. De nos jours, l’immeuble connaît une triple protection : communale, nationale et celle, depuis 1994, de l’Unesco, car le bâtiment occupe la zone tampon du patrimoine mondial à Luxembourg (Rolph).

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