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Hôtel Rix

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel Rix à Luxembourg

 Lorsque le Traité de Londres exigeait la suppression de la forteresse de Luxembourg, en 1867, la parcelle représentant le N°20 au boulevard Royal se trouvait à l’extérieur du grand fossé qui séparait la ville haute du front de la plaine. Un fossé d’une profondeur d’une dizaine de mètres, des remparts aussi élevés et plantés d’arbres, des bastions et enveloppes entourés de fossés divisaient toute cette aire de périphérie en lieux inaccessibles. L’accès à la ville haute ne pouvait se faire que par la Porte Neuve, respectivement la Porte Henri à la hauteur du Viaduc.

 L’emplacement du futur Hôtel Rix était donc bien situé à l’écart de la ville, malgré sa proximité géographique. De mai 1867 à mai 1868, date de la  loi autorisant l’aliénation des biens et domaines de la forteresse, ces ouvrages militaires abandonnés et dont les démolitions à la pioche ne venaient que de commencer, donnaient sans doute des frissons aux passants. Dans les têtes, par contre, les idées pétillaient sur une valorisation future de cet espace. En 1868, l’ingénieur Louis Fuchs et la Commission en charge du projet de conversion de la forteresse en ville ouverte rêvaient d’aménager à l’emplacement du futur boulevard Royal une place de marché de 75 m de largeur ! Vu l’opposition de commerçants qui craignaient un transfert des affaires vers les nouveaux quartiers, le projet fut abandonné, et l’espace prévu pour la place devait être couvert de magnifiques parterres de fleurs et de jardins. Le plan définitif d’agrandissement de la  ville, en 1873, renonce à ce projet et créée les îlots sis entre la Côte d’Eich et la rue Notre Dame. Le Côté extérieur du boulevard Royal allait accueillir des maisons de maîtres et des villas entourées de leurs parcs et jardins privés. Ce «système de villas» (Louis Fuchs) allait assurer la transition de la ville vers le parc et la campagne. Du point de vue technique, on constate que les jardins des villas étaient aménagés sur des fossés remblayés et que les immeubles reposaient sur des vestiges de la forteresse. C’est ainsi, que lors des travaux de démolition de l’Hôtel Rix, en 2014, des murs de l’ancien bastion Camus ont resurgi des terres. Dès 1881, l’école Aldringen qui détint le rôle d’établissement modèle pour tout le pays se dressait fièrement quasi en face du N°20.

 Le boulevard Royal avait été aménagé par lots successifs entre 1871 et 1876. Les acquéreurs des parcelles  étaient obligés de niveler leurs propriétés au plus vite.  Le délai de construction ne fut  imposé que plus tard. Le Gouvernement était satisfait dès qu’il trouvait des acquéreurs pour des terrains vastes. Le terrain ultérieurement occupé par l’Hôtel Rix présentait 32.72a. Il ne sera divisé en deux parcelles qu’en 1921.

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Pionnier de l’histoire automobile

 L’habitant le plus célèbre de ce qui allait devenir l’Hôtel Rix, fut Joseph Georges Saur, né de parents luxembourgeois à Paris, en 1876. Il était diplômé Ingénieur des Arts et Manufactures par l’Ecole Centrale de Paris en 1899. Il débuta sa carrière à la Société des Hauts-Fourneaux de la Moselle à Maizières-les-Metz. Il avait épousé Marie Laure Koch en 1903. En 1908, son garage ouvert au boulevard Royal représente une action pionnière de l’automobile au Luxembourg. Saur y vendait et louait des voitures, des camions et des bicyclettes, neufs ou d’occasion de la marque Peugeot, des pneus Michelin et Continental. Il offrait un garage et un service de réparations. Les revirements économiques au lendemain de la 1ère guerre Mondiale, marqués par la sortie du Zollverein et l’entrée dans l’Union Economique Belgo-luxembourgeoise, expliquent sans doute sa réorientation professionnelle. En février 1921, le notaire André Wurth vendait sa propriété divisée en deux lots, l’un contenant une «nouvelle villa moderne et confortable » et l’autre les ateliers et garages avec accès au boulevard Prince Henri. Saur avait rejoint la société métallurgique « Terres rouges » fraîchement créée et dans laquelle il restait probablement jusqu’à l’absorption de celle-ci par l’ARBED en 1937. Il retournait en France pour embrasser la carrière de directeur des engrenages à la société Citroën.

 Abri d’espions

 La villa de Saur était devenue célèbre grâce à la publication de Lady Eve Balfour «The Secrets of Rue St Roch : Intelligence Operations behind Enemy Lines in the First World War «. L’auteure évoque les aventures de Lise Rischard, une Luxembourgeoise recrutée par le capitaine George Bruce, qui au service des renseignements militaires britanniques avait mis en place un réseau d'agents au Luxembourg et en Belgique chargé de suivre les mouvements des convois militaires allemands vers le front occidental.

La finance s’installe au boulevard

Les occupants suivants joueront également un rôle important dans l’économie qui allait se mettre en place après l’entrée dans l’Union Economique belgo-luxembourgeoise. Le boulevard Royal n’est plus un boulevard de résidence, mais se développe depuis sa liaison à la gare centrale (1903),  et surtout la réorientation économique du Grand-Duché en  réceptacle pour des sièges de compagnies d’assurances et de banques, ainsi que de représentations diplomatiques. Ernest Jean Joseph Vander Linden-Funck acquit la villa Saur. Il était propriétaire de la banque « Change et Fonds Publics » Vander Linden fondée par Gustave Vander Linden en 1903. Celle-ci allait devenir filiale de la Banque belgo-luxembourgeoise dès 1920 (Avenue Monterey) avant d’être rachetée par la Banque Générale en 1923. Dès 1924 Vander Linden fut vice-consul de la Belgique, Consul de la Tchécoslovaquie et agréé pour traiter des opérations à la bourse de Luxembourg (fondée en 1928). Il fut propriétaire-dirigeant de la « An-u. Verkaufszentrale für Luxemburger Wertpapiere ». Il  détenait des parts dans les usines de Steinfort.

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Hôtel Rix et Pavillon Royal

En 1957, la villa du banquier devint la propriété de la famille Rix-Braun, successeur de Pierre Braun, l’exploitant du « Pôle Nord » depuis 1938. La villa « Vander Linden » présentait au rez-de-chaussée une salle à manger à éclairage zénithal, un grand salon, et un salon de taille plus modeste, un bureau, une salle de bains, un office et une cuisine. L’étage renfermait 5 chambres, les mansardes offraient 5 pièces supplémentaires. La famille Rix transforma la villa pour y installer le restaurant-bar « Pavillon Royal » qui pendant des décennies fit la réputation de l’élégance et de la fine gastronomie. En 1963, l’architecte Paul Retter exhaussa l’immeuble de 6 étages. Le jardin, quoiqu’amputé d’une bande de terrain en raison de l’élargissement du boulevard Royal, offrait un parking en plein air en plein centre-ville. Dès 1977, la gare d’autobus pratiquement située en face de l’établissement, à la place Emile Hamilius, assurait une connexion à l’aéroport et la gare centrale. En 2012, l’établissement de 20 chambres en petit-déjeuner cessa son exploitation. La propriété fut vendue, l’autorisation de démolition fut délivrée en octobre 2013. Un bâtiment d’une surface d’environ 5.000m2 et dont le design a été confié à l’architecte et urbaniste français de renommée internationale Christian de Portzamparc, à qui on doit déjà à Luxembourg, l’immeuble de la Philharmonie allait combler le dernier interstice à front de rue encore libre au boulevard Royal. Le site fait de nos jours face au projet ambitieux de redynamisation du centre de la ville, « Royal Hamilius » dont les plans avaient été dessinés par l’architecte britannique Norman Foster (Rolph).

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Historique