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Hôtel Staar – la plus majestueuse entrée en ville

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel Staar – la plus majestueuse entrée en ville

Certains se rappellent encore la publicité lumineuse animée d’une eau minérale pétillante le long de la balustrade d’un grand immeuble de coin à la place de la Gare ? Ce fut l’ancien Hôtel Staar.

Ni ville, ni campagne, ni zone industrielle

L’ouverture de la gare centrale en 1859 à Hollerich avait donné le coup de lancement au développement du quartier de la gare. Les premières constructions en bois remontaient à cette période de forteresse et rappelaient l’ancien rayon militaire. Dès l’ouverture de la ville, et le démantèlement, le quartier devient industriel et artisanal, il garde des aspects ruraux avec des granges de foin et des rues non pavées jusqu’en 1903. L’hôtel Staar jouissait d’une grande visibilité dans un environnement de granges à foin, de scieries, du dépôt de tramway à traction chevaline, de nombreuses entreprises artisanales et industrielles et d’une gare toujours en bois (1907-1912). En 1900 7 lignes ferroviaires se dirigent sur la gare centrale. Hollerich se développe en direction de la ville.

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« Um Staar » un nom resté gravé dans la mémoire

Déjà en 1877 Jean Staar-Barnich avait repris à la rue des Capucins, la Maison Schulz-Michaux pour y ouvrir un restaurant acceptant également des pensionnaires. Jean Staar (1848-1917) exploitait dès 1886 « l’Hôtel de la Gare », maison recherchée par les notaires pour y organiser leurs ventes publiques, mais également par une nombreuse population comme l’atteste la participation massive au cortège funèbre de son épouse en 1894. En 1895,  Jean achetait la propriété « Berchem » en face de la scierie de Xavier de Saint Hubert.  La maison, partiellement reconstruite suite à un incendie de 1886, était exploitée jusque-là sous le nom d’„Hotel des Voyageurs“. Staar rénovait les infrastructures, aménageait les 22 chambres d’hôtes et communicantes pour familles. Des salles de bains se trouvaient à l’étage. Il ouvrait le 1er janvier son „Hotel De la Gare" à la nouvelle adresse. Charles Bernhoeft  considérait l’hôtel comme une des meilleures adresses de la place, et signalait les « prachtvolle Salons ». Le propriétaire qui visait essentiellement des hommes d’affaires auxquels onoffrait également des salons pour banquets, respectivement des mariages. La propriété proposait 80 écuries. Jusqu’en 1899, des ventes de bétail eurent lieu dans la vaste cour à l’arrière du bâtiment. Profitant également d’une clientèle de voyages, essentiellement en provenance du bassin minier, le restaurant offrait des « déjeuners à toutes heures ».

« dafür erhält der Besitzer 60.000 Frs, wofür derselbe eine prächtige Fassade (…) sich leisten wird“[1] 

Les discussions autour de l’aménagement d’une seconde avenue à partir de la gare ne cessaient plus depuis la présentation du plan de Jean Worré  en 1893. Des pétitions réclamaient en 1899 une direction différente de la nouvelle avenue, de façon à ne pas couper les propriétés déjà bâties entre la place de Paris et la place de la Gare. Or, aucun arrangement ne pouvait être trouvé avec Jean Staar qui est exproprié en décembre1899. Le propriétaire se vit verser 60.000 frs et accorder en échange un terrain de 6,5 a à la rue de Strasbourg pour la perte de leur cour et écuries. L’Etat leur demandait en plus de construire, avec la somme du dédommagement reçu,  un établissement à caractère représentatif marquant le départ des deux avenues. Les pierres de taille des façades de l’Hôtel furent sculptées sur des chantiers mobiles à la rue Wedell par des sculpteurs italiens (Donzelli ?) avant d’être assemblées sur place. L’Hôtel proposait 54 chambres sur 3 étages, dont certaines équipées d’un salon et d’une salle de bain privée. Toutes chambres disposaient d’eau courante, de téléphones privés. Le rez-de-chaussée offrait un café, des salles de banquets, des salons de lecture et de petit-déjeuner, un restaurant avec véranda pour près de 100 personnes. Disposant du chauffage central, l’établissement disposait de sa propre centrale d’électricité installée dans les caves.  L’hôtel proposait également un salon de coiffure avec parfumerie ainsi  qu’une librairie et guichet philatéliste. L’inauguration eut lieu en janvier 1906 L’architecte Léon Suttor avait conçu un immeuble rythmé de rotondes angulaires à coupoles. Un arc segment ceinturait la façade centrale longée d’une balustrade en fer forgé de style Art Nouveau.  « Zwei majestätische Türme an beiden Ecken sind bestimmt ihm ein schlossähnliches Gepräge zu verleihen » estimait le Luxemburger Wort (9 mars 1905). L’hôtel était précédé d’un square qui, de 1906 jusqu’en 1924 offrait son cadre à des concerts publics. A partir de 1907, un kiosque limonadier égayait la placette occupée de nos jours par le monument commémorant  le 30e anniversaire du Traité de Rome (artiste François Gillen).

L’Hôtel Staar et le nouvel immeuble de la Banque Internationale, également à coupole, devaient officiellement marquer le départ la nouvelle avenue. Le tramway circulait sur les deux avenues de même que les diligences et les voitures. L’hôtel se trouvait au centre des connections vers la ville.

Lauréat du concours international de gastronomie 1934

En 1932, lors de l’exposition internationale culinaire à Luxembourg, l’Hôtel Staar et l’Hôtel de Paris furent primés ex aequo. Octave Schieb, chef culinaire à l’Hôtel Staar, fut récompensé pour ses talents de gastronome engagé également par la diffusion d’émissions culinaires à la radio luxembourgeoise. La maison était appréciée pendant des décennies pour ses vins des meilleurs coteaux de Wormeldange, d’Ahn et de Ehnen. Jean, puis Léon et son fils Jean, furent longtemps considérés comme des clients très importants des vignerons de la Moselle.

La publicité touristique internationale est lancée au « Staar »

L’Hôtel Staar garde la mémoire du lancement de la première publicité touristique collective à l’étranger en coopération avec le Gouvernement luxembourgeois. Ce fut en 1911 ! Les assemblées générales ordinaires régulièrement tenues par l’Union Adolphe,  le cercle d’Escrime, de l’association des hôteliers, les banquets pour la l’élévation de Hollerich-Bonnevoie au rang de ville en 1914, celui marquant la fusion des communes de Hollerich et de Luxembourg en 1920 et surtout la participation à la « Lichtwoche » en 1937, représentent les grands moments de cet hôtel qui prit le nom de « Grand Hôtel Staar » dès 1932. L’établissement accueillit les conseillers de la ville de Paris en voyage d’études et de nombreux colloques internationaux, dont un congrès d’ornithologues, celui de l’Union nationale des Anciens Combattants de Moselle et Meurthe (1925). La toute nouvelle S.A. pour la construction et l’exploitation d’un crématoire à Luxembourg tenait son assemblée à l’Hôtel. L’architecte Georges Traus dessinant les projets du crématoire fut un ami de famille. En 1925 le syndicat des automobilistes luxembourgeois est créé au « Staar » de même que le « Volksbildungs-Verein Luxemburg-Bahnhof », dix ans plus tard.

Des agents commerciaux élisaient domicile à l’hôtel pendant de courts séjours pour vendre des produits rares et nouveaux à une clientèle locale démarchée par la presse. Léon Staar avait également loué un appartement avec salon et chambre pour plusieurs années à un rentier italien. 

Pour les moments les plus difficiles, il faut se rappeler les graves endommagements que subit l’immeuble en 1915 suite à des raids aériens, mais aussi la pétition des habitants de Hollerich de 1910 réclamant  leur union à la ville de Luxembourg. La création de syndicats professionnels, pour les métiers d’horticulture, les producteurs de céréales, les marchands de cuir, les commerçants et artisans du quartier se firent à l’Hôtel Staar. Ces initiatives étaient prises pour défendre leurs intérêts, au cours de la 1ère guerre Mondiale, à des moments de saisie officielle des stocks d’alimentation face à la pénurie alimentaire. L’hôtel fut aussi un lieu de quête pour aider les victimes de la Grande Guerre.

L’Hôtel Staar empêché de s’adapter à la demande

En 1932 l’Hôtel Alfa venait d’ouvrir avec 200 chambres, suivit l’Hôtel Kons avec 100 chambres une année plus tard. L’Hôtel Schintgen était une nouvelle enseigne à la rue Notre Dame, l’Hôtel Cravat avait réalisé un nouvel édifice, le Pôle Nord était réaménagé, le Casino bourgeois venait d’être transformé.  Transformée en société « Hôtel Staar »,  les nouveaux propriétaires Liebermann,  Consoeurs Scheer, Loewenstein  et Reckinger confient la gestion à M Beck. En 1937 la Société soumet à la ville ses projets de modernisations et de transformations, dessinés par l’architecte de renom, Georges Traus dès 1934. Naît ensuite une situation assez difficile, car la ville et l’Etat veulent élargir l’avenue de la Gare, un projet qui demandera l’accord de 27 propriétaires. Le restaurant et la véranda sont voués à disparaître. En décembre 1938 les exploitants expriment leur désir d’arrêter les activités. Oscar Schieb prendra alors la toque au Pôle Nord. Le 12 juillet 1939 la propriété et ses dépendances à la rue de Strasbourg passent en vente publique, mais ne sont pas adjugées. L’Etat et la ville achètent la terrasse – véranda pour élargir l’avenue. L’immeuble est vendu au « Chef de la Zivilverwaltung » qui y installe le bureau de police. A la fin de la Guerre, la propriété revient à l’Etat luxembourgeois qui y loge le Ministère de la Reconstruction, l’Office des Statistiques de la CECA et l’Office National du Tourisme. En 1968 il vend l’immeuble à la Caisse d’Epargne qui fait remplacer l’hôtel par une construction moderne dessinée par l’architecte, Paul Retter. (Rolph)


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