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Hôtel Terminus

Mémoire d'établissements Horeca

Hôtel Terminus 

Robert L. Philippart  

L’Hôtel Terminus, sis au N°80, Place de la Gare n’existe plus depuis 1940. De 1882 à cette date, son exploitation s’était avérée compliquée. Pas moins de 8 exploitants cherchaient à offrir aux clients le meilleur de leurs services. L’agence « Gare » de la « Banque de Luxembourg » était le dernier occupant de l’ancien hôtel. Le grand public avait pu visiter les locaux une dernière fois en 2017, dans le cadre de l’exposition « Plastic on Paper » de l’artiste Rafael Springer. Depuis, un projet immobilier englobant également l’ancien « Hôtel Graas » propose du logement, du commerce et des bureaux. Les façades des anciens « Hôtels Terminus » et « Hôtel Graas » seront conservées. L’ « Hôtel Terminus » n’est pas à confondre avec l’»Hôtel Terminus – The President », situé jadis au N°32, à la place de la Gare. Cet établissement avait été géré par Georges Pirrotte. 

Du temps de la forteresse 

Les origines de l’hôtellerie et de la restauration sur ce site en face de la gare remontent déjà aux temps de l’ancienne forteresse. Il faut se rappeler que pour des raisons de stratégie militaire, le gouvernement militaire avait demandé l’établissement à l’extérieur de la ville, d’une gare à placer « sous le contrôle des canons ». Celle-ci fut inaugurée en 1859. Le rayon militaire en vigueur n’autorisait pas de constructions fixes dans ses alentours. Celles tolérées, étaient en colombage et devaient être enlevées en cas d’attaque de la ville.  

En 1862, François Dallée, exploitant de l’« Estaminet français » à la rue Philippe II, avait ouvert en face de la gare le « Chalet Dallée », qu’en 1867 Xavier Vannière, exploitant du buffet de la gare allait reprendre à son compte. Il avait épousé Marie Dallée, fille de François. Des écuries étaient situées à l’arrière du bâtiment, des parterres de fleurs et une fontaine précédaient ce pavillon.  

Depuis l’ouverture de la ville en 1867, les alentours de la gare prenaient un caractère de plus en plus industriel. En 1871, la propriété était passée à l’hôtelier- restaurateur Emile Kessel-Clesse. Sur son vaste terrain, des adjudications publiques permettaient la vente tant de bétail, que de matériaux de construction. La salle de danse était réputée pour ses bals populaires.  

Depuis 1875, les écuries de la société des tramways, installées dans une partie de l‘ancien fort Wedell, touchaient au nord-ouest à la propriété. En 1879, l’ancien Chalet fut exploité par J. Schmit qui y installa momentanément une fabrique de voitures. 

Weydert

L’Hôtel Becker 

En 1882, l’aubergiste Jean Becker allait ouvrir l’« Hôtel-Restaurant Becker » dans un immeuble situé à droite de l’auberge «Kessel-Clesse».  Cet établissement offrait des écuries pour 60 chevaux. Ici également se donnaient des concerts et furent tenus des bals populaires. De nombreuses ventes de bétail furent organisées à l’« Hôtel Becker » tout comme dans les Hôtels « du Commerce » (Kons), « des Nations », « Staar » et « International ». Les animaux étaient importés de l’étranger et amenés par le chemin de fer à la gare de Luxembourg.  

Pied-à terre d’Anne Lamarle-Clesse 

La veuve Anne Lamarle Clesse exploitait depuis 1875 le restaurant Clesse à l’avenue de la Gare. Celui-ci était installé dans un immeuble en colombage dont l’existence remontait à 1857. Dans son restaurant elle accueillit l’assemblée générale des apiculteurs luxembourgeois. Ce fut ici que se réunirent le 21 juillet 1893 quelque 60 restaurateurs et hôteliers « zur Bildung eines Comités welches die zweckdienliche und fördernde Mittel ausfindig machen soll, das Gewerbe der Wirtschaft von dasselbe drückenden Steuern und Lasten theilweise zu entlasten“ (Luxemburger Wort). L’ancêtre de l’Horesca était né ! Madame Lamarle-Clesse avait engagé Madame Guillaume comme cheffe de cuisine, puisqu’elle s’occupait des affaires. Son fils François Lamarle allait reprendre le projet hôtelier de sa mère.  Projetant la construction d‘un nouvel hôtel sur son terrain, elle acquit, en 1893, auprès du notaire Jean Reuter, la parcelle sur laquelle se trouvait l’Hôtel Becker. Elle y aménagea son restaurant jusqu’à la fin de son chantier en face. 

En 1895, cette femme entrepreneure inaugurait le nouvel Hôtel Clesse à l’Avenue de la Gare. L’établissement avait été construit d’après les plans de l’architecte Pierre Funck. Cette maison devint un des établissements les plus prestigieux de la capitale.  

Hôtel des Voyageurs – Hôtel Central 

Lorsque Anne Lamarle-Clesse s’était installée dans son nouvel hôtel, l’hôtelier Ludig-Mangen, transféra son « Hôtel des Voyageurs », fondé en 1890, vers l’ancien Hôtel Becker, que Mme Lamarle-Clesse venait de libérer. Deux ans plus tard, en 1897, Jean Mangen et Anna Ludig achetaient l’« Hôtel de la Maison Rouge », au carrefour rue Notre-Dame / rue de l’ancien Athénée pour y transférer l’»Hôtel des Voyageurs ». Ils y restaient jusqu’en février 1904, moment où ils retournaient avec leur enseigne à la gare centrale.  Le couple Mangen-Ludig avait dû quitter les lieux à la gare en raison de la démolition du chalet Becker qui ne rentrait plus dans les nouveaux alignements de l’Avenue de la Liberté et de la voie du chemin de fer Luxembourg-Echternach (Charly).  En 1898, le terrain aplani, accueillit passagèrement une « Raubtierkarawane » proposant une « Raubtier Arena und Löwen-Ringkampf ».  

En 1904 Jean Mangen et Anna Ludig avaient loué « das neuerbaute Haus des Herrn Kessel-Clesse gegenüber dem Central-Bahnhof“ (Luxemburger Wort). Le nouvel immeuble avait été construit, un an plus tôt. La nouvelle construction respectait l’alignement de la nouvelle Avenue de la Liberté et du Charly. Kessel-Clesse avait certainement investi dans ce nouvel immeuble l’argent qu’il avait reçu en dédommagement par l’Etat pour l’expropriation de bandes de terrains longeant l’auberge Kessel-Clesse et traversant l’ancien chalet Becker.  Au rez-de-chaussée et au premier étage du nouvel immeuble était installé une agence de la Banque de Change Metz-Strasbourg. La présence de services banquiers ou de salons de coiffeurs était récurrente pour les établissements hôteliers construits à cette époque à Luxembourg.  

Mangen-Ludig gérait son nouvel hôtel sous le nom d’« Hôtel Central » en référence à la gare centrale. Il offrait une table d’hôte à midi, le service restaurant à la carte et le manger à toute heure. La cuisine française était arrosée de vins français, respectivement du Käiserliches Franziskaner Fürstenberg- Bier brassée par la Leist-Brauerei à Munich. L’établissement proposait 25 chambres et une grande salle pour noces et sociétés. L’Hôtel était raccordé au téléphone et proposait des bains et WC à l’étage. 

Weydert

Hôtel Terminus 

En 1907, le bail ayant pris son terme, l’enseigne, passait à Ernest Spiesse, hôtelier originaire d’Esch-sur-Alzette. Celui-ci exploitait la maison sous le nom d’« Hôtel Terminus ». Les chambres avaient été complètement rénovées, mais il fallut attendre 1913, pour que le chauffage central soit installé. Spiesse offrait à son tour la cuisine française arrosée de la bière munichoise « Franziskaner Dunkel und Hell ». Il rajoutait de savoureux liqueurs à sa restauration à la carte. Il offrait 25 chambres en pension avec ou sans garni. Il insistait sur les prix modérés. La situation devint plus calme pour les clients logeant à l’hôtel, comme le dépôt du tramway avait été transféré en 1908 au Limpertsberg. 

La grande salle de l’établissement fut aussi louée au monde associatif, respectivement aux syndicats professionnels, dont on se rappelle le passage des maîtres plâtriers. La première guerre mondiale offrait des moments économiques difficiles, de façon que l’hôtel ne fut plus exploité comme tel, mais comme location. Seul, le rez-de-chaussée gardait sa vocation commerciale. A cette époque, Emile Kessel-Clesse avait loué l‘immeuble à Keller Sœurs, marchands de tabacs, cigares et d’articles de papeterie. 

En 1925, Kessel-Clesse mettait l’immeuble à la vente, mais sans le donner en adjudication. Le rez-de-chaussée présentait trois salles, une cuisine, une cour et un jardin. Chacun des trois étages renfermait 6 grandes chambres. Sept grandes mansardes se prêtaient également à la location. L’immeuble renfermait de vastes combles et caves. Proposant le chauffage central, il était raccordé au gaz, à la conduite d’eau, à la canalisation et à l’électricité. 

Joseph Glaesener, cafetier établi à la rue Philippe II, allait prendre l’immeuble en location pour y rouvrir à partir du 1er mai 1925 l’Hôtel Terminus « ein erstklassiges Hotel ». Sa vinothèque fut approvisionnée par la fédération des Syndicats des vignerons de la Moselle en vins luxembourgeois. La grande salle fut régulièrement utilisée pour des adjudications publiques.  

Kugener

Club des 100 kilos ! 

Glaesener était un homme actif sur le plan social : au printemps 1926 il organisait le grand buffet de la foire de Luxembourg. Quelques mois plus tard, il invitait à une course pour personnes de plus de 100 kg : « seine vollgewichtigen Mitbürger-und Bürgerinnen zu einem beachtenswerten Wettgehen einzuladen, wollte er als Hunderkilomann beweisen, dass Körperfülle, so beneidenswert sie auch manchmal sein mag, nach einer allgemeinen Auffassung nicht immer Bequemlichkeit und Sesshaftigkeit bedingt, sondern dass die Dicken, beiderlei Geschlechter auch imstande sind, eine sportliche Leistung zuwege zu bringen“ (Escher Tageblatt 19.08/.1926). L’initiative connut un plein succès et le « Club des 100 kilos » était né ! En 1927, Glaesener organisait une vente occasionnelle de voitures Buick, Oldmobiles et de voitures de la marque française Amilcar. Il louait des chambres également comme surfaces bureaux pour des hommes d’affaires en séjour à Luxembourg, respectivement à des représentants commerciaux. 

En avril 1928, les héritiers d’Emile Kessel et de Joséphine Clesse vendaient en adjudication publique toutes leurs propriétés longeant la place de la gare et la rue Joseph Junck. Parmi les six lots mis en vente, se trouvait l’Hôtel Terminus, le chalet Kessel-Clesse et le chalet de tabacs Giberius. Ces deux derniers furent rasés en 1930 pour céder leur emplacement à la construction de l’Hôtel Alfa. 

Hôtel Terminus de Belgique 

Le cabaretier Aloyse Lunkes-Geiben acquit l’Hôtel Terminus pour une très courte durée, car en 1929, il devint propriétaire d’une parcelle à la rue de Strasbourg sur laquelle il allait ouvrir l’« Hôtel Lunkes » en 1931 (intégré de nos jours à l’Hôtel Carlton). L’exploitation de l’« Hôtel Terminus » fut repris par Jean Timmer, originaire de Syren. A partir de 1932, la brasserie Bofferding assurait la location de l’établissement. En 1935, Ernest Feider-Gallé proposait à l’« Hôtel Terminus et de Belgique » une cuisine bourgeoise à prix modérés. Le restaurant avait été transféré au premier étage du bâtiment, le rez-de-chaussée étant loué comme surface commerciale. L’établissement prenait également des pensionnaires en pension complète. Outre des représentants commerciaux, il faut noter que des agents immobiliers avaient pris l’hôtel comme adresse professionnelle pendant leurs séjours en ville. En 1936, la brasserie Bofferding remit l’Hôtel « Terminus et de Belgique » à nouveau en location. L’Hôtel rouvrait en août 1938 et fut désormais géré par la veuve de Mathias Thill-Bukovac. L’exploitation des chambres avec eau courante ne fut que de courte durée. Les infrastructures avaient vieilli face à l’ouverture progressive et rapide des Hôtels Alfa, Midi, Chemin de Fer, Lunkes, Sélect, Regina, Cecile et Graas dans les alentours immédiats. 

Banque de Luxembourg 

Un nouveau moment approcha lorsqu’en 1937 Ambroise Jacques et Eugène Mathieu fondaient la « Banque Mathieu Frères », dont est issu la « Banque de Luxembourg ». La « Banque Mathieu Frères » ouvrait ses guichets et des bureaux à l’Hôtel Terminus, le 20 février 1940. Une nouvelle ère venait de commencer. Elle s’étendait jusqu’à la centralisation des services de la « Banque de Luxembourg » en son nouveau siège élargi au Boulevard Royal, et dont les locaux étaient terminés en 2012. 

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Historique