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L’Histoire du Chalet – op den Dräi Eechelen

MÉMOIRE D'ÉTABLISSEMENTS HORECA

©Trois Glands vers 1900 in MERSCH, François ; KOLTZ, J.P., Luxembourg, forteresse & Belle Epoque, Luxembourg. 1976

Robert L. Philippart

Partie I

Les aménagements du Parc Dräi Eechelen ont été réalisés en phases successives tous les 60 ans, lorsque le boisement naturel réclamait des interventions pour garder la lisibilité du site. Ces travaux d’envergure traduisent aussi du développement de la ville. D’un parc forestier dessiné au lendemain du démantèlement de la forteresse, ce site extraordinaire se mue progressivement en parc urbain. D’un lieu de villégiature, isolé, il fournira le contexte paysager de deux musées et des vestiges de la forteresse. De plus en plus désenclavé, il renforce sa position de lieu social et urbain. Inséparable de cette histoire est celle du Chalet Dräi Eechelen, dont une renaissance pointe à l’horizon.

Trois siècles d’ingénierie militaire

Le site des Trois Glands fait partie de ces hauteurs du Pfaffenthal, dont les premiers travaux de fortification avaient commencé en 1684/85 suite à la prise de Luxembourg par les troupes de Louis XIV. A la suite des travaux de construction du fort Obergrunewald, la redoute du parc fut élevée en 1688. Le fort Thungen a été construit en 1733, sous la gouvernance de Adam Sigmund von Thungen au cours de la période autrichienne. Le fort avait été modernisé en 1836, puis renforcé en 1860. Suite au traité de Londres du 11 mai 1867 exigeant la neutralité politique et militaire du Luxembourg, la forteresse a dû être démantelée. A cette époque, les ouvrages de la forteresse sur le site des Trois Glands forment un étonnant exemple de trois siècles d'ingénierie militaire. Les travaux de démolition n’ont pas de suite commencé en cet endroit peu propice à l’urbanisation et à la rapide vente de terrains. Ils ont commencé seulement en 1870 au moment du conflit franco-allemand. Sous pression internationale, les travaux ont été accélérés entre 1874/75. Ce fut à cette époque que le Conseil d’Etat recommanda de maintenir des parties d’ouvrages militaires qui représentaient un caractère historique. Le réduit Thungen fit également partie de cette liste de propositions de conservation de certaines parties de la forteresse, introduite le 16 avril 1876 par la Section historique de l’Institut Royal-Grand-Ducal.

Envol pour un parc forestier

L’ingénieur-paysagiste français, Edouard André, en charge pour le Gouvernement de l’aménagement des parcs et avenues de la capitale, était sensible à la conservation de ruines dans un paysage nouvellement aménagé. Il considérait que de pareils vestiges puissent former « dans le lointain de jolies touches de détail pour l’ensemble du tableau » avec la restriction de ne » les admettre que placées à distance convenable et les masquer impitoyablement si elles sont trop rapprochées, eussent-elles même quelques qualités décoratives ». Contrairement au sort réservé au fort Charles sur le front de la plaine, et qui dut disparaître pour des raisons militaires, la façade côté ville du fort Thungen pouvait être maintenue après le contrôle international des travaux sur le démantèlement. Le fort échappa également aux travaux d’occupation de chômeurs chargés d’abaisser des murs dont l’entretien était cher et d’aménager des pentes artificielles. Notons, qu’en 1890, les échauguettes dites espagnoles partiellement démolies en 1872, furent même rétablies comme folies au parc Obergrunewald .

Dans le cadre des travaux de démantèlement sur le plateau, le Gouvernement décida d’aménager une pente artificielle qui devait mettre le fort Thungen en valeur comme monument historique. Des parcelles privées furent progressivement acquises du côté des forts Thungen et Olizy pour assurer l’accès aux anciens domaines militaires qui allaient être convertis en parcs forestiers.

Les aménagements ne furent guère poussés au-delà des anciennes fortifications, et les forts sautés à la mine furent dissimulés sous une faible couche de terre et plantés d’arbres en provenance des pépinières de l’Etat.

En 1874, le fort abandonné attira la jeunesse de la ville, qui relaissait sur les murs des salles et passages des inscriptions et dessins parfois vulgaires. Le plan de Jean-Pierre Biermann de 1878 présente le fort Thungen conservé dans son ensemble, quoique dépourvu de son enveloppe. Il se situe dans un cadre entièrement boisé et recherché à l’époque par des chasseurs et braconniers pour son gibier.

En 1888, Edouard André termina les plans et listes des plantations pour les parcs forestiers aux forts Thungen et Olizy. Or, le plan topographique qui avait été mis à disposition de l’architecte-paysagiste contenait des cotes de niveau fausses ou imprécises. Les plantations se terminaient ainsi vers 1910 sous la direction du fils d’Edouard André, René-Edouard André, alors que les promenades avaient déjà été réalisées et les douves du fort Thungen comblés. Les promenades se présentaient sur les plans de 1890 et 1907 sous forme d’ovales, de haricots et de reins. L’idée de base était celle de créer un environnement propice à la construction de villas. Or, le caractère accidenté du terrain et l’éloignement du centre n’attirait guère d’acquéreurs. Néanmoins, le site fut étudié en 1901 en vue d’accueillir une nouvelle résidence grand-ducale.

Lieu de villégiature pour les citadins

Dès l’aménagement des sentiers et des premières plantations, le site des Trois Glands s’avéra très agréable pour les excursions de citadins. En 1888, Adolphe Amberg, l’un des plus grands entrepreneurs d’hôtellerie de la capitale, introduit une demande pour y organiser des concerts. Amberg exploitait depuis 1872 une salle de spectacle à la villa Louvigny au parc de la ville haute. 

Les premières fêtes champêtres accompagnées de concerts de fanfares eurent lieu sur le site du fort Thungen dès juin 1888. Les événements avaient un caractère spontané, et il fallut attendre juin 1895 pour voir les consœurs Hülsemann originaires de Pfaffenthal y ouvrir, pendant la saison estivale, le « Café des Trois Glands ». Cette guinguette s’adressait aux promeneurs ainsi qu’aux touristes. Il s’agissait d’un chalet en bois, préfabriqué de style suisse. Ce fut une construction livrée clé-en-main et monté rapidement. A bon marché, il convenait bien aux exploitations saisonnières sans chauffage. Par son architecture, le chalet rappelait les stations de chemins de fer vicinaux à voie étroite en France, en Belgique ou en Suisse. La rusticité favorisait le sentiment de dépaysement de la clientèle qui créa un lien imaginaire avec la Suisse considérée comme le pays de ressourcement. Le bois marquait l’intégration parfaite dans l’environnement naturel. Or si ces excursions à l’air frais sont à mettre en rapport avec la pensée hygiéniste du XIXe siècle, il faut être conscient que l’approvisionnement en eau potable du chalet restait primitif. « Das Wasser, das dort für Schulen, Ausflügler. Feste etc. zur Verfügung steht und aus einem Krahn unter dem Kastanienbaum an der rechten Ecke des Rasenvorplatzes herauströpfelt oder im Fort selbst gefaßt wird, stammt aus einer tiefen Zisterne die als Sammelbassin für das Grundwasser aus den Kasematten dient und noch von Festungszeiten her datiert. Mit einer Pumpe wird dieses Wasser in einen über dem Raum in „Drei Eicheln“ angebrachten Behälter gepumpt, auf daß es Fall genug hat, in den beiden Abflußröhren der Degustation zugeführt werden“ . Il fallut attendre jusqu’en 1932 pour voir le site raccordé à la conduite d’eau, les premiers quartiers de la ville bénéficiaient de ce confort déjà depuis 1866.

Le parc forestier devient alors une destination prisée des citadins avides de se ressourcer, et les repas de loisirs en plein air deviennent le pique-nique très prisé par la bourgeoisie moyenne. Dès 1896, promeneurs, cyclistes et randonneurs piqueniquaient aux Trois Glands  Même le Grand-Duc Adolphe appréciait les promenades pittoresques autour de l’ancien fort. Dans la tourelle nord du fort étaient installés des „Polsterbänke und ein primitiver Holztisch. Hier in romantischer Waldeinsamkeit pflegte bei Ausflügen an schönen Sommernachmittagen der verstorbene Landesfürst mit den Seinen in schlichtbürgerlicher Art Kaffee zu trinken“. 

Des visites ponctuelles des casemates du fort furent proposées dès 1901, une première illumination nocturne du site eut lieu en 1903.

Des ensembles locaux, dont la fanfare « Concordia », la Chorale « Sang a Klang » de Pfaffenthal, la fanfare du Grund, le bataillon des chasseurs à pied se produisaient le dimanche avec des concerts aux Trois Glands. Des jeux populaires furent proposés sur place . La brasserie Mousel de Clausen approvisionna les fêtes avec ses bières brassées au quartier voisin du fort.

En 1906, le cafetier Ewerts-Schmit reprit l’enseigne du « Café Trois Glands » aux consœurs Hülsemann. Des relations avec « Luxembourg Attractions », l’ancêtre de l’actuel Luxembourg City Tourist Office, furent établies afin de confirmer le site des Trois Glands comme attraction touristique . Une nouvelle initiative fut prise en 1911 en proposant des représentations théâtrales dans le « décor féérique des Trois Glands ».

En juin 1919, l’exploitation saisonnière du « Chalet des Trois Glands » fut reprise par Michel Jonas-Groos, cafetier au Pfaffenthal et marchand de charbon . Il poursuit la collaboration avec la brasserie Mousel. Deux incendies ravageaient sa guinguette en avril et en novembre 1921 . La reconstruction de l’établissement fut réalisée en bois de bouleaux et en bois de sapins laissés à l’état naturel. Le Café était plus spacieux que l’ancien pavillon d’Ewerts-Schmit. Il s’agissait en effet d’un grand abri ouvert de trois côtés, le bar se trouvant aménagé au fond de la construction. L’exploitation axée sur la terrasse ne pouvait fonctionner que par beau temps. Le caractère primitif de la construction explique que Jonas subit plusieurs cambriolages entre 1921et 1926, dont ceux de mai 1926 furent particulièrement graves, la tireuse à bière et le réfrigérateur y avaient été volés.

Malgré ces incidents, le succès se poursuivit. De nombreuses associations luxembourgeoises invitaient leurs amis étrangers, en visite à Luxembourg, à découvrir les Trois Glands, soit dans le cadre d’une simple excursion, d’une trinque, d’un déjeuner ou pique-nique . Nicolas Medinger, propriétaire de l’Hôtel de Luxembourg et éditeur de brochures touristiques sur la capitale, assura pour ses hôtes des visites aux Trois Glands . L’ingénieur et historien Jean-Pierre Koltz avait intégré le fort dans son programme de promenades historiques. Jonas-Groos réussit à proposer désormais un programme d’animation fixe en proposant « tous les quinze jour le dimanche pendant la période d’été » un concert accompagné d’un « buffet bien garni » . A partir de 1923, le chalet annonçait des heures d’ouvertures fixes pour le dimanche, le lundi et le jeudi. Pendant la saison 1925, un panneau renseignait que le bistrot avait ouvert tous les jours, sauf le vendredi.

trois glands
Fort Thungen avant les transformations de 1937 © ONT

L’Histoire du Chalet – op den Dräi Eechelen

Robert L. Philippart

Partie II

Les aménagements du Parc Dräi Eechelen ont été réalisés en phases successives tous les 60 ans, lorsque le boisement naturel réclamait des interventions pour garder la lisibilité du site. Ces travaux d’envergure traduisent aussi du développement de la ville. D’un parc forestier dessiné au lendemain du démantèlement de la forteresse, ce site extraordinaire se mue progressivement en parc urbain. D’un lieu de villégiature, isolé, il fournira le contexte paysager de deux musées et des vestiges de la forteresse. De plus en plus désenclavé, il renforce sa position de lieu social et urbain. Inséparable de cette histoire est celle du Chalet Dräi Eechelen, dont une renaissance pointe à l’horizon.

Le Chalet du Centenaire

Face à ces développements, des voix s’élevaient pour réclamer des améliorations sur le site. Ce fut ainsi que la deuxième section à la Chambre des Députés recommandait en 1924 au Gouvernement de pratiquer des élagages aux endroits où la verdure avait envahi les fortifications et masquait le fort Thungen . Les plantations du temps d’Edouard André formaient entretemps « une forêt dense où des rares éclaircies ne permettaient que des vues restreintes sur le Vieux-Luxembourg »

Dans le but d’une « utilisation touristique qui sera très certainement fructueuse », des réflexions furent entamées dès 1930 pour consolider et rendre accessibles les anciens forts Thungen, Olizy, Charles et Bourbon . L’offre touristique allait encore se développer avec l’instauration, lors de fêtes champêtres, d’une navette d’autobus reliant la rue Notre-Dame aux Trois Glands .

En 1935, les premiers arbres masquant la vue sur l’ancien fort furent abattus. La tergiversation s’explique par la volonté du Gouvernement de vouloir valoriser le site des Trois Glands en développant un nouveau concept d’aménagement. L’ingénieur paysagiste Henri Luja, élève d’Edouard André, allait être chargé de dégager le fort pour le rendre visible de nombreux points de la ville et assurer une vue panoramique sur la partie de la ville qui fait face au fort. Pour ce faire il créa une percée gazonnée de 32 m de largeur. Le réseau des promenades existant fut conservé. En s’appuyant sur la théorie des vues rayonnantes, Luja avait projeté plusieurs percées et envisageait d’intégrer dans ses aménagements le plateau du fort Olizy. Il rêvait même d’agrémenter le site de cascatelles. L’ingénieur-paysagiste évitait de rendre visible les défauts du terrain. Le fort Thungen lui-même fut arrangé en attraction touristique. Le public eut accès à la plateforme de l’ouvrage pour bénéficier du panorama qui s’y dégage. Suivant les recommandations de l’ingénieur Jean-Pierre Koltz, spécialiste de l’histoire de la forteresse, les tourelles du fort furent dégagées par le creusement des douves qui les entourent. L’ensemble fut relevé par la construction d’un mur circulaire. La voûte, dont les débris étaient visibles derrière le fort fut déblayée et Luja y aménagea une aire de jeux pour enfants. En avant du fort, un vaste terre-plein en forme de demi-lune fut utilisé comme une terrasse. D’ici le visiteur bénéficiait d’une série de vues rayonnantes dont chacune, bien encadrée par des groupes forestiers, donnait sur une autre partie de la vieille ville. Les promenades furent agrémentées de bancs de repos, un balisage vers points de vue fut installé. Le site des Trois Glands devait être transformé en « Luftkurort » pour touristes .

Si d’un côté l’attrait du site allait être augmenté par ces aménagements, le plan Luja repensait aussi la circulation en termes d’accessibilité pour voitures automobiles et autocars. Des trottoirs furent aménagés pour les piétons. Une voie entourant le fort permettait de visiter le site en voiture sans devoir en sortir. Le chalet rustique allait être déplacé et reconstruit à gauche devant le fort, de façon à ne pas déranger la vue sur le fort . Tous ces travaux avaient été effectués avec l’aval de la Commission des Monuments et Sites .

Le nouveau chalet fut construit en pierre en forme de chalet suisse et à un étage sous les combles. L’enseigne prit le nom de « Chalet du Centenaire ». Sa gestion fut confiée au restaurateur Pierre Beffort, président du syndicat de aubergistes et cafetiers organisés du Luxembourg (SACOL), Michel Jonas-Groos continuait à exploiter le « Café Michel Jonas-Groos » au Pfaffenthal . La terrasse ombragée et l’aire de jeux du nouveau chalet attiraient, surtout le dimanche de nombreux citadins qui venaient assister à des concerts . Le chalet offrait même une piste de danse en plein air . Les nouveaux aménagements permettaient dès 1938 d’inclure le fort Thungen dans le programme des illuminations de la ville  et d’y tirer des feux d’artifices .

Recherché par les scouts , le site des Trois Glands prêtait son cadre charmant et romantique à la tenue de Pow Wows organisés par la Fédération Nationale des Eclaireurs Luxembourgeois en 1939 et 1945  Le fort prêta sa coulisse également à des spectacles de gymnastique, mais aussi des courses à vélo 

 « Sonnenwendefest » et saves d’honneur

Sous l’occupation, le site connut de nouvelles transformations. Les travaux entrepris en 1941, dégageaient davantage la partie arrière du fort et forgeaient une percée supplémentaire passant par la : „Hiél“ en direction du fort Olizy dans le but d’offrir encore d’autres vues panoramiques   En 1943, le site fut agrémenté de bancs de repos supplémentaires . Il allait prêter son cadre au spectacle public du « Sonnenwendfest  der Polizei » . Le déroulement de la guerre ne permit heureusement point d’en faire une tradition, il en restait là. Par contre, une autre tradition allait naître : celle des salves d’honneur tirées à partir des Trois Glands pour le retour des cendres de Jean l’Aveugle en août 1946 . Ce geste allait être à la base des salves tirées régulièrement à l’occasion de la naissance de princes et princesses, des anniversaires des membres régnants de la famille grand-ducale ou encore à l’occasion de la fête nationale. 

En 1947, le « Chalet des trois glands » allait rouvrir pour la saison avec un concert offert par la chorale « Sang a Klang ». Léon Speltz-Hemmer était gérant de l’établissement pour le concessionnaire, la brasserie de Clausen . Les concerts, les fêtes populaires et sportives, les excursions de visiteurs étrangers reprenaient dans la bonne tradition du site. Les succès des années d’avant-guerre étaient toujours au rendez-vous dans les années 1950 et 1960.

Pétanque et fonctionnaires européens

Vient un nouveau moment avec l’urbanisation du plateau de Kirchberg. En 1966, l’inauguration du pont Grande-Duchesse Charlotte et la mise en service du bâtiment tour qui portera ultérieurement le nom de « Tour Alcide de Gasperi » auront un impact immédiat sur le site. L’attrait du site des trois Glands continuait à attirer du monde, de façon qu’on trouve le témoignage suivant en 1970 «  Die bewaldete Höhe auf Drei Eicheln ist für unsere Stadtbürger das nächstgelegene Ausflugsziel. Durch den Bau der Grossherzogin Charlotte Brücke und mit der Anlage bequemer Wege ist der Zugang zum Fort sehr erleichtert worden. Einfach herrlich ist die ganze Anlage. Bei grosser Hitze herrscht dort immer angenehmer Schatten. “

D’emblée s’installaient à proximité du fort quelque 500 fonctionnaires européens. Leur nombre allait exploser avec la construction et la centralisation des institutions européennes au Kirchberg . Bien que le bâtiment Tour bénéficiait de son propre restaurant, les fonctionnaires venaient se ressourcer pendant les pauses. A la même époque, le site allait être menacé par le projet de construction d’un palais de Justice pour la Cour européenne.  Grâce à la sensibilisation de l’architecte urbaniste français, Pierre Vago, travaillant alors pour le compte du Fonds pour l’urbanisation et l’aménagement du Kirchberg, ce palais de Justice allait être construit dès 1970 sur le côté opposé du plateau. Vago ne voulait pas déranger la vue sur les quartiers historiques de la ville et préserver l’authenticité du site . En 1972, l’Hôtel Holiday Inn s’installa à proximité des institutions européennes. Son restaurant allait prendre le nom de « Trois Glands ». En 1978, le projet du Centre 300 avec salle plénière pour le parlement européen et une hauteur de 174m faillit écraser le fort Thungen situé à ses pieds .

La « Buvette des Trois Glands » allait faire peau neuve pour accueillir les fonctionnaires qui venaient de plus en plus nombreux pendant leur pause de midi. A partir du mois de novembre 1967, le Café est désormais ouvert également pendant l’hiver. Surtout pendant les réunions des Conseils des Ministres des Communautés Européennes, les voitures venaient se garer jusqu’au pied du chalet. L’a terrasse allait finalement être délimité par une clôture en bois. Pour l’exploitant, les jours de semaines étaient aussi rentables que les traditionnels jours de weekend toujours recherchés pour des fêtes populaires et les concerts .

 En février 1969, Jacques Neu-Ferry reprit la « Buvette des Trois Glands » qui restait toujours sous la concession de la brasserie de Clausen. Les nouveaux produits limonadiers de Canada Dry furent servis pour rafraîchir les plus jeunes visiteurs. La S.A. Luxembourgeoise d'Eaux gazeuses et Jus de fruits, Canada Dry Luxembourg avait commencé sa production en 1959 sur le site de la brasserie de Clausen qui était cofondatrice de cette société . « Er (Jacques Neu) bediente nur die Leute die ihm sympathisch waren » se souvenait une ancienne cliente. Le bistrot était bondé, surtout les jours des réunions du Conseil des Ministres par le staff accompagnant les autorités politiques . Louise Ferry Neu fonda l’amicale « la Pétanque Trois Glands » qui pendant des décennies organisa des championnats locaux et internationaux sur la piste qui jouxtait le chalet .  L’après-midi des retraités sy donnaient rendez-vous pour des parties de jeu.   M Keup exploitait l’enseigne dans les années 1970.

Pendant les saisons 1979/1980, le Théâtre Ouvert de Luxembourg renoua avec les quelques spectacles donnés sur le site en 1911, en proposant du théâtre en plein air. L’acteur luxembourgeois Marc Olinger était à l’origine de la troupe Théâtre Ouvert de Luxembourg fondé en 1973 avec son épouse Claudine Pellettier. Les spectacles commençaient devant le fort en cas de beau temps pour se poursuivre à l’intérieur.

trois glands
Fort Rheinsheim, photo Musée 3 Eechelen 

MUDAM et Musée Dräi Eechelen

Doucement, le site intéressait de plus en plus les autorités nationales. Raymond Linden, Président de Jeunes et Patrimoine initiait un camp d’archéologie pour jeunes sur le site. Toujours en 1980, les premiers travaux de mise en valeur du réduit Thungen par la DAC (Division Anti-Crise de l'ARBED) furent entamés sous la direction de l’ingénieur Jean-Pierre Koltz , le même qui était déjà intervenu sur le site lors de son réaménagement en 1937. L’hurricane de fin février / mars 1990 avait considérablement abîmé bon nombre d’arbres au parc des trois Glands. En automne de la même année l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei avait accepté de dresser les plans pour la construction d’un musée d’art moderne sur le site des Trois Glands. Le musée devait être prêt pour l’année culturelle « Luxembourg, ville de toutes les cultures » en 1995 . Les dégâts causés par la tempête facilitaient l’intervention sur le terrain pour dégager le fort complètement et faire une étude de l'ampleur des vestiges. Les travaux prévus sur le site des Trois Glands expliquent pourquoi cette partie de la ville avait été incluse dans le périmètre de « Luxembourg, vieux quartiers et fortifications » inscrits au registre du patrimoine mondial. Cette inscription lui valut une protection internationale .

Après de longues discussions, très médiatisées et le lancement d’une pétition « D’Fanger ewech vun den Dräi Eechelen » avec 14.000 signatures , de nombreuses réflexions faites sur l’importance de la conservation de la mémoire d’ingénierie militaire, la Chambre des Députés adopta le 5 décembre 1996 deux lois pour la création et d'un Musée d'Art Moderne sur l'enveloppe et d'un Musée de la Forteresse dans le réduit du Fort Thungen. Les travaux de construction pour le MUDAM, suivant les plans de l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, ont été lancés en 1999. Le Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean a été inauguré le 1er juillet 2006 . 16 ans séparaient l’idée de la réalisation ! En l’an 2000, les soumissions pour travaux de gros-œuvre pour le futur Musée Dräi Eechelen furent ouvertes.

La loi du 25 avril 2003 relative à la restauration et à la mise en valeur de certaines parties de la forteresse de Luxembourg autorisa l’aménagement du Circuit Vauban et certaines parties du réduit Thungen. Le tracé des promenades fut complètement redessiné, le circuit Vauban aménagé. Le réduit Thungen fut reconstruit sur base des plans de 1836/37. La reconstruction est exécutée selon les prescriptions de la Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites élaboré en 1964 à Venise. Un joint de maçonnerie large fait la limite entre la partie historique et la partie reconstruite du réduit. Le volume de l'ancienne couverture en terre du réduit a été remplacé au profit de salles d’expositions supplémentaires. La plateforme construite en matériaux modernes respecte en grande partie les dimensions originales.  Le musée Dräi Eechelen a été inauguré le 13 juillet 2012.

Bientôt un nouveau Pavillon au Dräi Eechelen ?

En l’an 2000 une consultation restreinte internationale entre paysagistes eut lieu en vue du réaménagement du site des Trois Glands en parc Dräi Eechelen. Le projet du bureau parisien Michel Desvigne allait convaincre les autorités par la simplicité de la conception, respectant et unifiant les constructions anciennes et nouvelles .La loi relative à l’aménagement du parc Dräi Eechelen fut adoptée le 15 juillet 2002 . Le  nouveau parc public, entourant le Musée d'Art moderne Grand-Duc Jean et le Musée "Dräi Eechelen" s'étendra de la Place de l'Europe jusqu'aux voies ferrées en contre-bas du Fort Obergrunewald.

Les aménagements du parc Dräi Eechelen (8 ha) ont commencé fin 2005 pour être achevés fin 2008. Les travaux de Michel Desvigne se distinguent par une intervention minimaliste inspirée par la topographie spécifique du lieu. La clairière autour du fort Thungen a retrouvé une visibilité à grande échelle, repérable depuis la vieille ville. Le parvis du MUDAM avec ses pins et ses hêtres permet l’organisation de manifestations en plein air . 

En 2007, l’ancien chalet, dont la cuisine de Pit Kaiser avait été appréciée par une clientèle de gourmets, fut démoli au plus grand regret de tous ceux qui fréquentaient cette table fine. Dans le cadre de cet aménagement, il n’avait pas été prévu de reconstruire un débit de boissons avec restauration. Les trois restaurants (Hôtel Melia, MUDAM et Philharmonie) qui allaient ouvrir à proximité ne justifiaient pas ce choix aux yeux des planificateurs.

10 ans plus tard, le besoin de désenclaver le MUDAM et le Musée Dräi Eechelen se fait ressentir à partir de l’ouverture de la station du tram et du funiculaire Pafendall-Kierchbierg en 2017 . En mai 2018 le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du Kirchberg lança un concours réservé à des groupements "architecte + ingénieur" pour la conception d'une passerelle piétonne et cyclable, reliant l'avenue JF Kennedy au Mudam . L’ouvrage vise à augmenter la visibilité et la fréquentation du site. Le bureau Marc Mimram Architecture Ingénierie / Fabeck Architectes /Greisch est sorti lauréat du concours. Les travaux s’étendent de mars 2022 à hiver 2023 .

Le confinement en raison de la pandémie COVID 19 en 2020 a mis en évidence que le parc Dräi Eechelen était recherché par la jeunesse pour des fêtes tenues sans autorisation. Ce phénomène a souligné la centralité qu’avait obtenu ce parc dans un tissu urbain de plus en plus dense. On est loin du parc forestier et de villégiature à la périphérie de la ville. Le parc Dräi Eechelen est devenu une promenade publique, un parc urbain. Les terrasses des alentours n’ont pas pu remplacer le charme de l’ancien chalet. En juin 2020 est discuté au niveau ministériel l’autorisation d’une « Pop-up chill-Aera ». Dans le cadre de ces discussions le projet de réouverture sur le site d’un bistrot fut salué. Il représenterait une attraction touristique et un agrément pour les congressistes siégeant à l’European Convention Center .

En 2021, l’Administration des Bâtiments Publics a fait dresser un avant-projet sommaire pour la construction d’un pavillon à débit de boissons et de restauration. L’emplacement prévu est situé en bordure du plateau côté de Clausen afin d’assurer la vue sur le fort Niedergrunewald et le fort Thungen. La réalisation du projet devrait se faire pour l’ouverture de l’exposition LUGA (Luxembourg Urban Garden) en 2025 . Afin de pouvoir réaliser ce projet, le Conseil communal de la Ville de Luxembourg  adopta le 21 juillet 2023, sur base d’une évaluation des incidences sur l’environnement et d’un rapport environnemental, une modification ponctuelle de son plan d’aménagement général  .

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Parc 3 EEchelen © Rolph

 

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Historique