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L'Hôtel de Luxembourg

Mémoire d'établissements Horeca

L’Hôtel de Luxembourg

L’ancien « Hôtel de Luxembourg »  était situé au N°18-20 à la rue de l’Eau, directement derrière le palais grand-ducal. Mentionnée une première fois en 1282, cette rue fut une des importantes de la ville, reliant le marché aux Poissons au marché et aux Herbes et à l’extérieur de la cité. C’est ici que se trouvait l’atelier monétaire luxembourgeois. Ce fut un quartier à constructions beaucoup plus dense qu’aujourd’hui.

kappLe portail toujours conservé

Quoique  ce quartier fut construit  au XIIIe siècle, les façades à front de rue remontaient au XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, la future maison « Hôtel de Luxembourg »  était occupée par Mathias Graas « bourgeois et maître-maçon restaurateur de la forteresse et  par son fils, Pierre, « Gérant des travaux militaires » en 1796. Leur présence explique sans doute le choix  de la belle architecture de la bâtisse, dont le portail sculpté a été conservée dans le nouveau projet de construction de 1981.

Hôtel de 1807 à 1975.

Déjà en 1807 l’« Hôtel de Luxembourg » fut exploité par le cabaretier Théodore Hastert. Ses fils et petit-fils allaient reprendre l’établissement sous le titre d’aubergiste, puis de maître-d’hôtel.  

L’Hôtel de Luxembourg  et l’Hôtel de Cologne (Avenue de la Porte Neuve) étaient les deux hôtels recensés en 1844 pour accueillir dans la ville forteresse des clients étrangers. A l’époque l ’»Hôtel de Luxembourg » ne donnait pas encore sur  la cour du palais grand-ducal, celui-ci n’étant pas encore agrandi et servait encore d’Hôtel du Gouvernement  (-1890). L’hôtel de la Chambre des Députés n’était pas encore construit (1859) et la rue fut obstruée de constructions anciennes à cette hauteur.  Des travaux d’assainissement de la rue furent entrepris en 1896, mais ce ne fut qu’en 1937 que la rue du Rost allait être  percée sous sa forme actuelle en prolongement de la rue de l’Eau.

Des clients venant même d’Alexandrie

A l’époque de la diligence on ne s’étonne guère que de la présence de clients en provenance du Luxembourg et de ses régions limitrophes. Il n’est guère surprenant de noter des visiteurs en provenance de Paris, de Francfort/ Main, de Mayence, de Liège, mais il étonnant que des  clients aient été originaires de Liverpool, de Dunkerque, de Rouen, de Barcelone,  voire même d’Alexandrie. Cette clientèle était constituée d’artistes, de Conseillers à la Cour Impériale, de médecins, de professeurs d’universités, de marchands, de curés, d’attachés d’ambassade en voyage à Luxembourg. Les listes de clients renferment  également quelques membres de l’ancienne aristocratie.  En 1934, l’équipe suisse du Tour de France fit escale à l’Hôtel de Luxembourg. Les exploitants devaient certainement maîtriser plusieurs langues pour accueillir ces clients d’horizons très divers.  Notons au passage que dans les années 1870, le Dr Julien se rendait régulièrement à l’Hôtel de Luxembourg pour assurer des soins dentaires sur place ! Dès 1876, une concurrence sévère va s’établir  pour l’Hôtel : les nouvelles avenues et boulevards vont accueillir des établissements tout neufs.

La société s’organise à l’Hôtel de Luxembourg

Dès les années 1840, la grande salle de l’Hôtel de Luxembourg prêtait son cadre à de grands événements.  Les salles du théâtre, du Casino, du Pôle Nord ou du Cercle n’allaient ouvrir que bien des années plus tard.  En novembre 1844, le comte d'Arnoncourt  célébrait à l’ »Hôtel de Luxembourg » par un banquet le départ d’une colonie luxembourgeoise pour la  Moravie.

Par la suite, le public y était nombreux pour écouter et voir des conférenciers,  des comédiens, des fanfares. En 1924, la salle des fêtes servait de lieux d’exposition de tapis. Elle fut également le théâtre de nombreux  tournois sportifs.  Son usage comme salle de ventes publiques n’est cependant  pas attestée.

Déjà en 1862 les bals masqués donnés à l’occasion de la Schueberfouer attiraient les foules.  Outre les « Fuesbaler » organisées par la fanfare du Grund ou le « Sang a Klang »  ou par les pompiers cantonaux, la salle était également le rendez-vous des bals annuels  du Cercle littéraire et scientifique,  du Volksbildungsvereins,  de l’Association Luxembourgeoise des Universitaires catholiques (Akademiker-Verein)  des membres de l’Association générale des étudiants luxembourgeois (ASSOSS) . Ces deux organisations d’étudiants délaissaient  leurs « maisons alliées », la Maison du Peuple (Carrefour), respectivement le Casino Bourgeois pour la belle salle à l’ »Hôtel de Luxembourg ».

Ce fut dans cette même salle qu’en 1930 avait été créé le Comité Alstad  (Interessenverein für die Altstadt), la « Corporation des cuisiniers luxembourgeois, en 1931, le « Luxemburger Unternehmer Verband  en 1932, le parti politique « Liberkraten » en 1959. La salle servit régulièrement à des assemblées générales du Syndicat d’Initiative et du Tourisme de la ville de Luxembourg, de l’Union Commerciale, mais aussi de syndicats de fonctionnaires et d’employés, d’associations d’artisans. Des hôteliers et restaurateurs luxembourgeois.

Un hôtelier comme père du cinéma fixe à Luxembourg

Le 9 juillet 1879,  un journaliste délégué de la maison  de Thomas Edison, P. De Montgaillard, annonçait  une  « projection et théâtre optique mécanisé »à la salle de l’ »Hôtel de Luxembourg ». Il s’agit d’une des toutes premières manifestations de ce genre au Luxembourg.  Dès 1903, la salle des fêtes de l’Hôtel de Luxembourg servait régulièrement à la projection mobile de séances cinématographiques.  En 1907, Nicolas Medinger-Kohner, propriétaire de l’Hôtel depuis 1891 et son fils Félix, allaient transformer la salle des fêtes en premier cinéma fixe du Luxembourg, le « Cinéma Moderne ». « Herr Medinger hat der Stadt Luxemburg eine neue, ständige Attraktion beschert, und es ist zu hoffen, dass diese Initiative den Erfolg erzielt, den sie verdient (L’indépendance luxembourgeoise 4 janvier, 1908).  „Das malerische Luxemburg“ allait être un film que Félix Medinger allait faire réaliser en 1912 pour présenter la destination aux touristes visitant le pays.  Dans la même optique, son successeur à l’Hôtel, Pierre Theisen, allait éditer vers 1930 un « petit guide pratique à l’usage de nos hôtes » présentant la ville de Luxembourg sur 32 pages.

Construire un hôtel et découvrir un trésor

En 1916/17 Félix Medinger fit construire à côté de son Hôtel le » Cinéma Palace Medinger »  avec 350 places. L’architecte de renom, Georges Traus avait dressé les plans. Lors de ces travaux de construction un trésor de 1000 pièces de monnaies datant du XIIIe siècle fut mis à  jour.  Lors des travaux de rénovation de l’Hôtel en 1918, une dalle sculptée avec un médaillon de la Vierge avait été découvert. Les deux trésors ont été versés aux collections des Musées de l’Etat (MNHA). En 1919, Pierre Theisen fêtait  la réouverture de l’Hôtel complétement réaménagé. L’établissement proposait à ses clients des parkings pour voitures et des écuries, ainsi que plusieurs salles de réunion. La salle des fêtes pour bals et sociétés était dotée d’un jeu de quilles.  A partir de 1923, son décor avait été mis au goût du jour, et elle servait de « Dancing » pour les thés dansants le dimanche. Une salle de billard allait en être rajoutée en 1932. Pierre Theisen allait fonder son propre Club de billard « La bricole » afin de pouvoir organiser des tournois sur place. 

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La fin d’une entreprise glorieuse

En 1922, la salle de cinéma avait été  élevée au rang de « Cinéma de la Cour ».  Les projections sonores y étaient assurées depuis 1929. Malgré une rénovation de la salle en 1958 pour tenir la concurrence du Ciné Cité qui venait d’ouvrir à la ville haute, le déclin de l’intérêt du public pour les représentations  de films ne pouvait être freiné. Le « Cinéma de la Cour » fermait en 1971. L’Hôtel connut encore une certaine célébrité dans les années 1950 par ses réunions et conférences  à caractère politique et  dont il faut rappeler celle donnée par Huy Mollet, Ministre d’Etat sous le Gouvernement III de Léon Blum. Dès 1960, les plans de redressement de la voie de la rue de l’Eau et les projets d’extension et de construction de l’Hôtel de la Chambre des Députés bloquaient toute initiative du propriétaire pour investir, car l’expropriation menaçait. L’immeuble souffrait en conséquence d’un vieillissement des infrastructures. L’Etat finit par acquérir la propriété dans le but de valoriser la vieille ville et de concrétiser ses projets. Une tentative de sauver le cinéma comme patrimoine échoua. En attendant l’Hôtel et le Cinéma se détérioraient à grands pas. Les immeubles finalement repris par un investisseur privé furent  démolis en 1981. Le mascaron ayant orné le portail du cinéma égaye depuis la façade de la nouvelle construction. (Rolph)

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Historique