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Maison Rouge à la rue Notre-Dame

Mémoire d'établissements Horeca

Maison Rouge à la rue Notre-Dame

Robert L. Philippart


L’ouverture de la gare centrale sur le front de Thionville en 1859 avait entrainé la construction du viaduc ainsi que de la Porte Henri à la hauteur de l’actuelle résidence de l’ambassadeur britannique.

Ce nouvel aménagement impliquait que les visiteurs de la ville ne passaient plus par le Grund. Du coup, la ville Haute pouvait être traversée depuis  la Porte Neuve au nord (Forum Royal) jusqu’à la Porte Henri au sud. Le flux des passages s’organisait donc autrement que pendant les siècles précédents.


« Neues Quartier bei der Fruchthalle »

L’îlot formé par le Boulevard Roosevelt, la rue de l’ancien Athénée, la rue Chimay et la rue Notre-Dame était occupé jusqu’en 1864 par une poudrière. Des raisons de sécurité ont amené le gouvernement militaire de la forteresse à déloger celle-ci dans un fort extérieur. Le terrain ainsi libéré créait de l’espace supplémentaire à l’intérieur de la forteresse pour que la ville puisse s’étendre dans son carcan composé de 24 forts.  L’emplacement était magnifiquement choisi, car le terrain à côté de l’Athénée et du marché couvert « Fruchthalle »  installé sous les arcades de l’Hôtel de Ville, était le plus proche constructible de la gare. En effet, le rayon militaire profond de 1000m interdisait toute construction fixe autour de la forteresse. Le « Neues Quartier » était situé à proximité de la Porte Henri fermée le soir. Cet îlot appelé également  « quartier Marie-Thérèse » en mémoire de la poudrière « Marie-Thérèse »  représentait le quartier le plus urbain de la ville. La Ville de Luxembourg s’était inspirée des règlements des bâtisses de la ville de Bruxelles pour planifier la construction. Il en résultait un quartier cohérent aux façades régulières et dense (3étages), offrant une mixité des fonctions urbaines (logements, commerces). Il proposait des appartements à 6 chambres par étage, à l’image de ceux des grandes villes européennes de l’époque.  Construits à front de rue, ces nouvelles constructions optimisaient le terrain disponible, tout en laissant une cour intérieure comme cour d’aération et servant de dépôt aux occupants des appartements.


Maison Rouge - Rotes Haus

Ce fut ici à l’angle formé par la rue de l’ancien Athénée et la rue Notre Dame qu’allait ouvrir début 1866 l’Hôtel de la « Maison Rouge ». Les Hôtels Cravat, Brosius, du Commerce et Brasseur ne s’installaient qu’au lendemain de l’ouverture de la ville.

Du temps de la forteresse, entre juin 1866 et février 1867, l’aubergiste Hubert Klein fit procéder à plusieurs reprises à la vente aux enchères d’importants lots de près de 4.000 bouteilles de « grands vins de Champagne » et de « vin léger de Champagne », logés dans ses 11 caves que comportait l’immeuble. Il est étonnant de constater qu’il vendait des vins français, alors qu’à cette époque le Luxembourg fit partie de l’Union douanière conclue avec l’Allemagne. Le produit offert devait donc proposer des qualités spécifiques.


1867 : Visite insolite de la forteresse

Une semaine après le départ des troupes de la garnison, le 17 septembre 1867, le rendez-vous était donné à l’Hôtel de la Maison Rouge » pour partir avec „M. Feltes, piqueur et gardien des clefs des forts de Luxembourg » découvrir « tout l'intérieur de la forteresse.» Ce fut une occasion unique de pouvoir pénétrer des lieux, des casemates jusqu’ici strictement interdits au public. Les habitants de la ville ont sans doute découvert à ce moment la beauté du site de la ville, dont les remparts leur masquaient la vue jusque-là.

En 1871 Hubert Klein avait réussi à inviter le fameux cirque berlinois « Lagoutte » à s’installer à la place Guillaume. Il avait organisé la soirée équestre avec gratuité pour enfants. Les matinées étaient agrémentées par des tombolas.

En 1874, Klein suivit le mouvement des variétés théâtres qui se donnaient à la villa Amberg, au Westeschgaart, au Casino de la Gare.  A ses soirées avec  télépathes et pantomimes, les dames étaient invitées gratuitement. En 1879, il avait même invité une jeune lauréate du Conservatoire de Paris pendant plusieurs semaines pour donner des cours de piano aux jeunes filles. Les concerts et soirées de billards se succédaient jusqu’en 1885. Le restaurant séduit sa clientèle les vendredis et samedis par du « Kuddelfleck a Liewerkniddelen ».


Faciliter les déplacements en ville

Relié à la première ligne de tramway avec station devant la porte, dès 1875, La « Maison Rouge » proposait la location de diligences pour se déplacer dans les quartiers ou en campagne. L’annuaire des horaires du train était en vente au comptoir de l’établissement.


Solidaire des émigrés luxembourgeois

Le « Rotes Haus » s’est vu intimement associé aux Luxembourgeois qui avaient émigré aux Etats-Unis et qui avaient regagné leur patrie. C’est ici que fut fondé en 1882 l’American Club, qui allait devenir l’American Luxembourg Society. Pour les Luxembourgeois partis en France, l’hôtelier organisait une collecte de fonds en 1883.  


Des successions difficiles

En 1887, toutes les propriétés de J.P. Klein, successeur de Hubert Klein étaient mises en vente. Fr- J. Wohlgroth reprit le « Rotes Haus » qui proposait la table d’hôte, tout comme des déjeuners et dîners à toute heure à prix modérés et arrosés de vins français. Il proposait des chambres pour les élèves fréquentant l’Athénée ou l’Ecole d’Industrie et du Commerce voisins, mais non admis à l’internat du « Convict épiscopal ». La tradition des soirées variétés fut reprise. La représentation de l’opérette « La femme du monde » d’Auguste Villbichot (1825-1898) fut très appréciée. En 1891, la grande salle de l’Hôtel servait de lieu d’exposition et de vente de majoliques et de faïences artistiques.

Le 13 juillet 1891 l’immeuble et le mobilier passaient aux enchères : Dans les caves étaient stockés des tonneaux et bouteilles de prune, du vieux marc, du Vermout, de la mirabelle, d’eau-de-vie du grain, du cognac, du vin blanc, du vieux Bordeaux, du pommard, de la limonade et des sirops.

Le rez-de-chaussée comprenait le Café englobant trois salles. Il était équipé de 8 tables avec des plateaux en marbre, assurant une excellente hygiène. Le long des murs étaient placés 7 bancs rembourrés. 19 chaises accueillaient des clients supplémentaires. Un grand poêle chauffait la pièce. Près du comptoir une grande horloge indiquait l’heure. On y jouait du piano et du billard. On y fumait des cigares, mais non pas de cigarettes.

L’établissement comptait 33 chambres réparties sur 3 étages. Chaque chambre offrait outre les lits, une commode-lavabo, des tables de chevets, des tables de travail, des chaises. Elles étaient toutes décorées de tableaux et de miroirs. Chaque chambre était chauffée par son poêle individuel. La famille et le personnel vivaient sous les 8 mansardes. Les 8 greniers séparés servaient à sécher le linge et au stockage.


Hôtel des Voyageurs

De novembre 1891 à 1893, B. Breuling-Duchamp avait repris l’établissement sous le nom de « Café des Halles » en référence au marché couvert tout proche. Il servait des bières brunes et blondes de la bière Henri Funck. En 1893, l’établissement rouvrait sous son ancienne enseigne « Maison Rouge » mais fut vendu en 1897 au couple Jean Mangen et Anne Ludig qui l’exploitait jusqu’en 1910, sous le nom de l’Hôtel des Voyageurs et Café « Hofbräuhaus ».

Le commerce d’ornements religieux et spécialiste de drapeaux, calicots, mâts et écussons « Bernard-Kauffmann », existant depuis 1896, s’installa au « Rotes Haus » en 1911 tout en transformant le rez-de-chaussée en vitrines d’étalage. L’enseigne resta à cette adresse jusqu’en 1977, année de démolition de l’immeuble.

 

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Historique