Walsheim
De « Walsheim » op der Gare
Robert L. Philippart
Partie 1
En face de la gare
Située au N°28, place de la gare, l’ancien Hôtel Restaurant d’Anvers, qui allait prendre les noms de Walsheim et Excelsior occupait une partie de l’ancien fort Wedell, datant de 1859 à 1864. Ce fort détaché de la forteresse protégeait la gare de Luxembourg. Il fut démoli entre 1869 et 1873. En 1882, le conducteur de locomotives allemand Ersmler avait acquis une parcelle de cet ancien ouvrage militaire. Il y établit le « Café Bley » à côté du « Café de la Station » qui avait ouvert un an plus tôt. Le chemin de fer à voie étroite (Jangeli) de Luxembourg à Remich partait en face de ces deux cafés. Le chemin de fer avait attiré de nombreuses entreprises industrielles et plusieurs établissements hôteliers dans son sillage.
En 1895, Dominique Ries-Christen acquit la propriété et procéda à la construction de l’Hôtel d’Anvers, un immeuble mansardé à deux étages. Ries s’assurait d’une clientèle fidèle à laquelle il proposait pendant des années durant, du vendredi au dimanche soir, du Kuddelfléck, respectivement des moules.
Hôtel d’Anvers- Hôtel Walsheim- Hotel Excelsior- Walsheim Center
Les héritiers de Dominique Ries-Christen (+1905) vendaient la propriété en 1906 à Jean-Pierre Christen-Coner, gendre de Dominique. L’immeuble disposait de grandes caves, de deux grandes salles bien décorées, d’une grande cuisine et de 10 chambres pour touristes. La partie arrière du terrain, accessible par une porte cochère, était occupée par une grande cour, un jardin et des écuries pour 60 chevaux. Elles étaient réservées aux clients en provenance de la campagne. J.P. Christen installa des bains privés pour ses clients et donnait à sa maison le nom « Hôtel d’Anvers ». Il visait les voyageurs en transit de la Belgique en direction de la Suisse et de l’Italie. Pour leur garantir un bon accueil, il leur servit des dîners à toutes heures.
En 1913 l’établissement fut repris par Jean Carl. En 1920, la propriété passait aux mains d’Oscar Gehardus-Schmit, originaire de la Sarre. Dès 1923, les écuries avaient été transformées en « grand garage d’Anvers ». Nic Klauner, mécanicien et constructeur de voitures y vendait des Goodrick et des Continental-Miller. En 1925 l’entreprise fut exploitée sous le nom de « Garage Glaesener & Huberty ». La société était alors concessionnaire de la marque « Ford ». Le fonds de commerce de l’Hôtel d’Anvers qui offrait entretemps 13 chambres fut repris en 1926 par Pierre Braun-Petit qui l’exploitait sous le nom de « Grand Hôtel d’Anvers ». Les nouveaux salons furent inaugurés par un grand concert symphonique. Tous les mercredis et samedis, l’hôtel était le rendez-vous pour des concerts de gala.
Camille Frognier, comme propriétaire du restaurant ouvrait les portes du « Walsheim Bierpalast » au réveillon de 1927. Le nom avait été repris au « Walsheimer Feingold Dreikönigsbier », brassé de 1848 à 1946 à Walsheim en Sarre. Le restaurant se recommandait pour ses plats froids. La bière était servie avec des petits pains danois, chose unique à Luxembourg.
Alors que l’Hôtel Kons était en construction et que l’Hôtel Alfa venait d’ouvrir (1932), Oscar Gerhardus investit dans une rénovation complète du « Bierpalast Walsheim ». Il augmenta la capacité à 1600 spectateurs et fit installer une grande scène pour des représentations de cinéma et de variété. Or, les investissements avaient dépassé les recettes, et l’immeuble fut saisi en octobre 1933 pour être mis aux enchères. A l’époque l’accès latéral vers la cour et les garages existait encore. La vente de la propriété des 12,5 ares comprenait également celle du mobilier: un piano à queue, 4 comptoirs, 120 tables, 300 chaises et 290 canapés. L’immeuble fut acquis par le consortium des créanciers hypothécaires qui donnaient l’exploitation à M Werdel, meunier à Steinsel. Les nouveaux acquéreurs rénovaient également les chambres de l’hôtel. La réouverture fut célébrée le 24 février 1934. La brasserie « Walsheim » était devenue « la Brasserie Trois Quarts ». La façade modernisée, resplendit sou un nouveau jour, empreinte d’un modernisme qui devait tenir le rang, au nouvel Hôtel Kons , voisin immédiat. En soirée, des bandes en néon éclairaient la façade de couleurs rouge et bleue. L’adresse ne pouvait être manquée en sortant de la gare.
En 1936, l’établissement inaugurait sa « Rapide Brasserie ». « Das neue Unternehmen bringt insofern eine Neuerung fur Luxemburg, dass man im vorderen Teil auf hohen Tischen gegen billiges Geld rasch essen und trinken und wieder verschwinden kann, während der hintere Teil der Stammkundschaft und den Gästen vorbehalten bleibt. (…) » (Obermoselzeitung 24.02.1936.)
Le guide officiel des hôtels du Grand-Duché de 1938 renseigne que l’Hôtel Anvers-Walsheim offrait le chauffage central, l’eau chaude et froide dans,12 les chambres, et qu’il était équipé de salles de bains. Il offrait des garages privés. L’établissement fut un des hôtels les moins chers de la capitale avec 10 francs pour une chambre simple.
Le premier mai 1940, l’exploitation de l’établissement fut repris par Félix Franck-Steichen, ancien gérant du casino d’ARBED-Burbach. Après la libération, en 1944, l’ancien Hôtel d’Anvers-Walsheim prit le nom de «Excelsior ». En 1945 le restaurant de l’établissement servait de la « Volksküche ». La bière de Walsheim avait passé le relais à la bière Mousel de Clausen. En 1949, le nombre de chambres de l’Excelsior était passé à 18. En 1973 l’hôtel avait repris le nom de « Walsheim » et proposait 20 chambres et servait 400 couverts au restaurant. En 1982 fut constitué la Société « Le Walsheim , reprise en 1999 par Antonio Lobo de Araujo. L’Hôtel cessa ses activités en 2005. Au rez-de-chaussée du « Walsheim Center » étaient installés le restaurant « Tropical » et le « Snack Lisboa ». L’établissement a cessé ses activités en 2004 l’immeuble a été rasé en 2008.
Partie 2
Rassemblement de syndicats professionnels, du monde associatif
Dès l’ouverture du « Palais de la bière Walsheim », les activités tournaient autour de trois axes : les spectacles de divertissement, les actions de syndicalisme, la vie associative, les adjudications publiques.
Avec une capacité de 100 places, la grande salle à côté de la brasserie se prêtait, dès 1907, bien à l’organisation d’adjudications immobilières.
Comme au Café de la Station, voisin, les réunions syndicalistes y furent nombreuses, surtout dans l’après-guerre. On y compte d’ailleurs la fondation du syndicat national des patrons bouchers-charcutiers, celle du syndicat des maîtres coiffeurs. La Fédération des Employés Privés a été fondée à la « Rapid-Brasserie » en 1936. Ces réunions de syndicats professionnels rassemblaient des travailleurs d’horizons très divers : Fahrbeamten Unterstützungs-Verein, l’association des clercs de notaires, les chefs de gares, l’association professionnelle de secours mutuels des conducteurs d’automobiles. En 1945, l’association des cafetiers et restaurateurs SACOL tenait une réunion d’urgence pour débattre d’importantes questions concernant l’exercice de la profession. En 1946 le Allgemeiner Verband landwirtschaftlicher Lokalvereine y tenait sa première assemblée générale.
Sur le plan culturel, il faut citer les réunions et assemblées générales de « Freunde von Radio Luxemburg und Tele-Club Luxemburg Bahnhof « en 1955. La salle aménagée au premier étage accueillait le Syndicat des Intérêts Locaux de Luxembourg-Gare, l’Union Grand-Duc Adolphe pour leurs réunions et assemblées. Le jazzclub Luxembourg est né en 1967 à l'initiative d'un groupe d'amateurs de jazz se réunissant régulièrement pour des concerts à l’ancien « Walsheim ».
Le monde sportif y fut également au rendez-vous : la fédération luxembourgeoise de football s’y réunit régulièrement tant avant qu’après la guerre. En 1949, le « Schach-Klub Luxemburg » y établit son siège d’association. Walsheim accueillit l’Automobile-Club grand-ducal, l’Union Cycliste de Luxembourg-Gare, le Boxing-Club Luxembourg. Des tournois d’échecs eurent lieu régulièrement à la grande salle.
La société avicole se réunit régulièrement au « Walsheim », la fédération sportive des pêcheurs en ligne y militait contre la pollution des eaux.
Comme local de rencontres amicales, la brasserie accueillait les anciens de l’Ecole d’Artisans de l’Etat, des fêtes du personnel d’entreprises importantes, comme « Accinauto ». Les anciens prisonniers politiques retournant de Russie, les anciens de Hinzert, les Luxembourgeois relocalisés à Leubus, la fédération des enrôlés de force « Ons Jongen » s’y retrouvaient autour d’un pot d’amitié ou d’un dîner. Dans les années 1950, des recruteurs professionnels se mêlaient à la jeunesse en fête à la brasserie Excelsior. Plus d’un y aurait trouvé un engagement, d’ailleurs même pour le Congo belge. Bien plus tard dans son histoire, le Snack Lisboa et le restaurant Tropical réunit les émigrants qui avaient quitté leur terre pour un meilleur avenir au Luxembourg.
Haut-lieu du divertissement
Déjà avant la première guerre Mondiale, la salle des fêtes et la cour servaient de lieux d’exposition et de vente de volaille, de chèvres, de lapins, mais aussi de bétail et de chevaux. Ces activités cessaient en 1920. Des grossistes exposaient des harnais, d’autres des cigares, encore d’autres des vins spiritueux et des liqueurs. L’exposition en 1915 de pneus et tubes fut au départ du « Garage d’Anvers ». La salle à l’étage fut encore réservée à la présentation d’articles de modes suivis d’ateliers de couture ou servit de lieu de conférences. L’exposition philatélique de 1947 dans la grande salle avait trouvé de nombreux visiteurs.
L’ouverture du « Bierpalast Walsheim » fin 1927, inaugurait une longue série de soirées animées par des stars internationaux et des talents indigènes. Le pianiste néerlandais Léo Bonefang, dont la renommée deviendra internationale, fit ses débuts également au Walsheim.
Installé dans l’ancienne cour de l’immeuble, le « Varietepalast mit einem Spezialitätenporgramm ersten Ranges » (Escher Tageblatt, 11.04.1928) organisait des bals masqués animés par plusieurs orchestres. Camille Frognier, exploitant de la brasserie avait réussi à engager en mars 1928 le chef d’orchestre de l’Oktoberfest de Munich. La revue satirique « de Gukuk « notait lors de ce passage remarqué « (…) Zieh nicht hin zum Walsheim ! Mein Sohn, ich rate Dir gut; da geht das Leben zu freudig ein, da wird allzu feste getut!” (10 mars 1928) ». Le programme de spectacles-variétés proposait des comiques, l’interprétation d’airs d’opéras, des prestations d’acrobates, des parties de danses, des matchs de boxe, des performances d’athlètes. Sur le plan local, on note les soirées animées par la fanfare et société de gymnastique de Bonnevoie, le Boxing Club Luxembourg. Au cours des années 1930, les samedis, dimanches et jours de fêtes, la maison attirait par ses concerts classiques et de musique de danse interprétés par l’orchestre de la maison « Léon Schachmeister ». On ne note pas le passage de talents artistiques fuyant le régime nazi. Dans l’après-guerre, les artistes musiciens Jean Roderes, Mésy Faber, Trio Patati, Mady Schaack, Eddy Arendt, Marcel Jander et Chantal Lutgen se produisaient au Walsheim, qui fut aussi le théâtre du tirage de la loterie nationale en 1949.
Le dimanche et jours fériés, le « Bierpalast Walsheim » attirait la jeunesse avec sa piste de danse, ses thés dansants, une initiative des années 1930 relancée en 1945. Des concerts de bienfaisance faisaient partie de la programmation musicale de l’établissement. Dans les années 1950, on y dansait le rock’nroll, dans les années 1970 c’était le tour des soirées jazz.
Camille Frognier, exploitant de la brasserie Walsheim © de Gukuk 14 janvier 1928