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Westeschgaart

Mémoire d'établissements célèbres

Cafés, bistrots, restos à succès d’hier

Le label « Wëllkomm » vise la promotion du savoir-faire et souligne le caractère unique ainsi que l’esprit d’initiative de chaque hôtel café ou restaurant. L'Horesca a lancé une série d’articles présentant les établissements, qui jadis, avait marqué l’image de marque du Luxembourg. On observera que l’esprit d’innovation, le courage d’entreprendre ont hier comme aujourd’hui été à la base du succès.
Pour réaliser cette série d’articles, Horesca s’est pu adjoindre les connaissances de l’historien Robert L. Philippart. 


Le « Westeschgaart »- un rendez-vous depuis 172 ans !

« Siegfried von Westeschgaart, Siegfried pour les intimes, est un dandy luxembourgeois très célèbre depuis de nombreuses décennies dans les environs du Grand Théâtre de Luxembourg » apprend-on sur le site internet de la brasserie « Siegfried von Westeschgaart » ouverte sous cette enseigne en 2017. Seul, le beau dandy a en réalité de 172 ans !


Nicolas Wester-Dumoulin – entrepreneur dandy ?

En fait, il s’agissait de Nicolas Wester-Dumoulin, propriétaire de l’Hôtel de l’Europe à l’Avenue de la Porte Neuve du temps de la forteresse. Jusqu’en 1867 la Porte Neuve représentait l’unique accès à la ville haute du côté de la plaine. Entrepreneur de cœur, cet aubergiste proposait dès 1860 à ses clients des navettes en « omnibus », soit par trois voitures à ressorts tirés par deux chevaux qui partaient en direction de la gare de Luxembourg, ouverte à la circulation six mois plus tôt. Il assurait également le service de messagerie en direction d’Echternach, ce qui explique peut-être la raison de l’apposition d’une boîte publique aux lettres à son Café « Westeschgaart » jusqu’en 1981.


Le Westechgaart remonte à 1847

Depuis 1847, Wester fut propriétaire, au glacis, d’un jardin comprenant une construction en bois qui pouvait être démontée en cas d’assaut de la forteresse. Le café-jardin se trouvait dans le rayon militaire, au pied du glacis « pelé à roc » et proche des chemins venant de Hollerich, de Rollingergrund, de Septfontaines et d’Eich qui se réunissaient en un seul chemin pour entrer en ville par la Porte Neuve. Sa situation fut encore avantageuse en raison des foires mensuelles et de la Schueberfouer qui se tiennent à sa porte. Le « Jardin Wester » offrait au moment de la suppression de la forteresse un jardin avec jeu de quilles, une vaste cour et un Café-restaurant avec salle de danse. Des remises et un hangar en faisaient partie également de la propriété. La maison proposait des plats journaliers chauds et froids servis à toute heure. Rapidement la maison se forgeait une solide réputation pour ses écrivisses et poissons.

3 mois après le Traité de Londres et un mois à peine avant le départ de la garnison, en 1867, Wester proposait son établissement en vente. Les soldats de la garnison auraient-ils compté parmi les meilleurs clients de l’établissement ? A défaut d’acquéreur trouvé en 1867, les héritiers de Nicolas Wester vendaient l’ensemble de ses propriétés et bien meubles en 1870 à leur frère Edouard Wester.


La vie urbaine s’éclate

L’ouverture de la ville signifiait un nouveau style de vie. Les membres de la société de gymnastique fondaient le théâtre de la ville en 1869, quelques années plus tard, Adolphe Amberg lançait ses spectacles-variétés à la Villa Amberg (Villa Louvigny), Fritz Renquin allait ouvrir un cirque permanent, la société du Casino allait se former en 1880. Le « Westeschgaart » profitait de ce mouvement et agrandit et remit à neuf sa salle de spectacles en 1876. Elle offrait sa scène à des séances de magie, des soirées lyriques, des prestidigitateurs. Les artistes venaient de l’Alcazar, du Victoria Theatre de Londres, ou étaient des comiques ou chanteurs qui s’étaient produits devant des aristocrates italiens ou allemands. Le traditionnel bal du dimanche fit partie de l’offre classique de l’établissement.

En 1877, le « Jardin Wester » comprit entretemps deux grandes salles de débit, dont une fut réservée au jeu de billard et la seconde, équipée d’un piano, à la danse et aux spectacles. La maison fut de construction récente. Le Dr Jean-Pierre Herriges-Wester acquit la propriété par vente publique entre héritiers. Herriges s’était lancé dans la politique où il se fit élire conseiller de la ville de Luxembourg. Homme engagé, il se fit condamner pour sa verve contre le conseiller Jean Joris. Herriges fut aussi à l’origine du monument érigé en honneur du capitaine Weydert au cimetière Notre-Dame. Weydert avait conçu la maquette historique de la forteresse de Luxembourg aujourd’hui exposée au Musée 3 Eechelen. Herriges soutint également le congrès des américanistes à Luxembourg, cette société savante qui étudiait les Etats-Unis. Une nouvelle ère commençait au Café avec l’assemblée générale des tailleurs en 1888, puis la vente publique régulière d’immeubles situés à proximité, au boulevard Joseph II, à l’avenue de la Faïencerie, autour de la rue Ermesinde. Peu à peu, le « Westeschgaart » ne se dressait, plus aux confins de la ville, mais à la jonction de celle-ci avec un quartier en émergence, non seulement démographique, mais également au niveau de la création d’établissements scolaires, l’ouverte de la foire – le raccordement au tram.

Les marchés, dont le « Päerdsmaart » et la Schueberfouer rythmaient la vie du « Westeschgaart ». On lit dans la presse que l’accueil des forains y fut particulièrement bien. Il ya eu des fêtes et des rixes jusque tard dans la nuit, mais aussi des moments solennels, comme la remise de médailles aux sapeurs pompiers de la ville Haute (1908). En 1909, le Dr Herriges, propriétaire de l’établissement avait invité le « Marzen's Edison Elektrisches Theater «  pour donner des représentations de films produits à Paris, Londres, aux Etats-Unis respectivement à Luxembourg.


Salle de ventes et galerie d’art

Pendant l’Entre-Deux-Guerres, la grande salle du Westeschgaart devint le lieu privilégié, non seulement pour des ventes immobilières prestigieuses, mais aussi pour la vente aux enchères et d’exposition d’œuvres d’art. La « salle de vente » devint « le rendez-vous de tout ce que notre ville et le Grand-Duché comptent de gens de goût et d’amateurs de ces merveilles de l’Art oriental que sont les tapis d’orient ». (L’Indépendance luxembourgeoise, 9 juin 1924). La vente de biens meubles et d’antiquités trouva en cette salle bien équipée une clientèle au portefeuille feutré. Cette belle expérience se poursuit après les rénovations de 1929 et la reprise de l’établissement par Jacques Schumann. Si dans les années 1890, la bière de Diekirch avait séduit, les clients ce fut dès maintenant, que les Mousel Pilsen et l’Altmünster Urhell furent appréciés. Diekirch revint à la fin des années 1950.


Initiateur de la quinzaine du vin luxembourgeois

L’orientation de l’établissement s’axait cependant de plus en plus sur la promotion du vin luxembourgeois et de la gastronomie autour d’un buffet froid, bien garni grâce au service de réfrigérateurs professionnels qui connaissaient une diffusion rapide. Jusqu’en 1932, les Jacques et Camille Schumann menaient leur projet en commun, l’un s’étant porté sur la restauration, le second sur la gestion d’un garage de voitures attenant la brasserie. A partir de 1938, le « Westeschgaart » fut géré par Jean Ferring-Schneider, qui instaura pendant la Schueberfouer les « Lëtzebuerger Wäindeeg » qui devinrent en 1947 la « Quinzaine du vin luxembourgeois ». Il offrait sa salle aux réunions et concerts d’harmonie à des championnats d’échecs. En 1938, il ouvrait ses locaux à une exposition des œuvres de l’artiste moderniste Jemp Michels, futur citoyen d’honneur de la ville de New York et directeur des Foires Internationales à Luxembourg. Le restaurateur Jean Ferring avait été un membre actif du « Wirteverband » SACOL avec lequel il organisait au « Westeschgaart » des formations pour apprendre à servir correctement des plats gastronomiques.

La propriété de 2,9 a de Jacques Schumann présentait en 1955 au rez-de-chaussée un café, une cuisine et buanderie, les sanitaires étaient logés dans la cour. L’étage comprenait sept chambres et deux salles de bains. 5 chambres mansardées se trouvaient sous les combles. En 1981, le batiment et le garage voisin furent remplacés par la « Résidence Schuman » en référence au père de l’Europe, Robert Schuman. La Brasserie « Westeschgaart » fut relayée par la brasserie « Siegfried von Westeschgaart » exploitée par le groupe Concept Partners, soucieux de maintenir dans la mémoire collective le nom d’un établissement remontant à 1847 (Robert L. Philippart ).

La Résidence „Centre Schumann“ sécrit avec deux „n“ en mémoire de Camille et de Jacques Schumann, exploitants depuis 1919, puis propriétaires de l’ancien « Café Schumann – Westeschgaart ». Il n’y a donc pas de confusion avec le Père de l’Europe, « Robert Schuman ».

Photothèque : Westeschgaart, Allée Scheffer

Le monument du Capitaine Weydert érigé à l’initiative d’un hôtelier. © Robert Philippart

Catégorie
Historique