Hôtel des Boulevards
Hôtel des Viaducs - Hôtel des Boulevards
Robert L. Philippart
L’actuel Restaurant « Zanzen » (27-29, rue Notre-Dame) avec terrasse sur le boulevard F.D. Roosevelt est établi à une enseigne ancienne, jadis connue sous le nom d’ »Hôtel des Boulevards ».
A l’emplacement de la caserne Marie-Thérèse
Le site qui va connaître d’amples modifications dans le cadre du réaménagement de la Place de la Constitution n’existe que depuis le démantèlement de la forteresse. En effet, l’îlot cerné par la rue Notre-Dame, la rue Philippe II et la rue Chimay était occupé du temps de la forteresse par la caserne Marie-Thérèse, un dépôt de voitures (Wagenschuppen) et une maisonnette attenante.
Après le départ de la garnison en septembre 1867, le plan d’aménagement des anciennes friches militaires de l’ingénieur Louis Fuchs avait été adopté. La destruction de ces infrastructures était décidée dès 1869, même si de façon temporaire l’ancienne caserne avait été louée en 1870 à la « Panama Hutgesellschaft », une manufacture de chapeaux de paille. La caserne accueillit encore la foire de cuir de la ville. Une rue étroite passait entre les remparts et la caserne. « Pour faire un beau quartier du Hellepoull » (Union, 15.07.1869), la rue Notre-Dame fut aménagée en ligne droite et élargie. Le boulevard F.D. Roosevelt fut aménagé en ligne droite avec des trottoirs, une allée ombragée pour les cavaliers était accessible à partir de 1874. Ce fut le premier exemple de séparation des flux de passages suivant leur type. Luxembourg commençait à prendre les traits d’une ville moderne.
La démolition de la caserne se fit de mai 1877 à début 1878. Depuis 1877, le nouveau boulevard s’appelait « Boulevard du Viaduc », nom changé en « Ringstrasse » pendant les années de guerre. A la Libération, il prit définitivement le nom de « Boulevard de F.D. Roosevelt ». Les aménagements se terminaient seulement en 1880 avec le pavage des nouvelles voies. Le tramway passait depuis 1875 à proximité, à l’actuelle rue de l’ancien Athénée. Les terrains sortant de la démolition de la caserne et du « Wagenschuppen » étaient divisés en parcelles à bâtir suivant un cahier des charges très strict. L’Etat, héritier des anciens domaines militaires, exigeait la construction de maisons en bande à deux étages, à construire en pierre et à façades régulières. Adjugés aux meilleurs offrants, en 1880, les terrains de 3 à 4 ares de superficie, furent immédiatement reliés à la canalisation, aux conduites d’eaux et de gaz. Les nouveaux immeubles devaient « masquer » la vieille ville au parc immobilier suranné, peu hygiénique. Le choléra de 1869 était bien resté en mémoire. Ces prescriptions reflètent également le souci d’attirer des investisseurs fortunés en la capitale. Ce type de construction était d’ailleurs prescrit également pour le cordon intérieur du boulevard Royal.
Les façades principales sont orientées vers la ville Haute, ce qui explique encore aujourd’hui l’adresse du Zanzen à la rue Notre-Dame. Les jardins privés donnent sur le boulevard du Viaduc contournant la ville. Situés plein sud, ces jardins se raccordent aux verdures du parc de la Pétrusse qui venait d’être aménagé. Depuis la construction du pont Adolphe (1900-1903) et l’aménagement du plateau Bourbon (1906), le boulevard du Viaduc acquiert le cachet d’une voie intérieure, avec esplanade. L’érection du monument du Souvenir en 1923 (Gëlle Fra) allait renforcer ce caractère, pour le grand bénéfice du tourisme. En 1958, le boulevard perd son allée extérieure au profit d’une bande de circulation.
Hôtel des Viaducs
En 1919, suite au décès de Félicie Nilles, célibataire, la propriété fut acquise par le boucher Otto Schulz exploitant de la « Charcuterie à vapeur avec service restauration » à la rue des Capucins (futur Restaurant « An der Stuff »). L’immeuble accueillait déjà à l’époque le « Café Erasmy-Mousel ». En mars 1921, l’établissement passait à Pierre Welter-Beffort. A côté de la salle du Café se trouvait une petite salle pour réunions ainsi que la grande salle pour la tenue d’assemblées générales, de bals, de tombolas, d’exposition de produits agricoles. L’établissement prenait des pensionnaires et fonctionnait aussi sous le nom d’ »Hôtel des Viaducs ». L’Hôtel spécifiait qu’il acceptait des étudiants à l’Athénée tout proche qui ne voulaient pas s’inscrire à l’internat du Convict épiscopal. Offrant 21 chambres à prix modérés et la cuisine « bourgeoise », des dîners et soupers, la maison disposait d’une « Gartenwirtschaft » au jardin donnant sur le boulevard. Ce site magnifique accueillit d’ailleurs des concerts en plein air.
Pierre Welter, ancien employé du chemin de fer « Guillaume Luxembourg » poursuivait la tradition des assemblées générales initiés par son prédécesseur. L’Hôtel des Viaducs devint ainsi le rendez-vous des classes moyennes de tendance libérale et de gauche. L’entreprise de peinture J. Gérard y tenait sa réunion de constitution en société en commandite. Le Cercle des mandolinistes disposait ici de sa salle de répétition. Au Café se réunit le « Mietschutzverein » l’association des « Staatspensionnaire », les membres de la société de crémation, les marchands de beurre, l’association des épiciers, les conducteurs de camions, les membres de la Confédération Générale du Commerce. La salle accueillit aussi des dîners de mariages, des séances de ventes publiques immobilières. La nouvelle piste bowling, tout comme la cuisine servant du civet de lièvre, du gras double, des vins de Wormeldange et de la bière Mousel étaient appréciés par cette clientèle. Le restaurant pouvait servir jusqu’à 220 couverts. Vantant sa proximité de la Cathédrale, la cuisine proposait des tarifs spéciaux aux pèlerins de l’Octave.
La situation en face du monument du Souvenir explique que l’Hôtel des Viaduc » devint pendant des années le rendez-vous des anciens légionnaires (Amicale des anciens Volontaires) venus honorer leurs confrères. Ils étaient plus de 150 à déjeuner sur place en présence des ambassadeurs français, belge et italien, des directeurs des entreprises sidérurgiques ARBED et HADIR (Hauts-Fourneaux et Aciéries de Differdange, St. Ingbert, Rumelange". Ils profitaient également de la proximité de l’Ambassade de France établie à l’hôtel de l’ancien notaire Léon Majerus.
Hôtel des Boulevards
La veuve de Pierre Welter (1872-1928), Anne Beffort, vendait l’enseigne en octobre 1929. La propriété avec „prachtvoller Gartenterrasse mit herrlicher Aussicht auf das Petrustal, belegen am Eingang der Stadt Luxemburg, in bester Geschäftslage, stossend auf die zwei belebten Strassen Rue Notre Dame-Boulevard du Viaduc, mit Eingang und Hausfluren zu beiden Strassen“ passait à Pierre Wengler-Goedert, aubergiste à Merl. Depuis l’instauration des services en autobus, la place de la Constitution servait de gare routière pour les lignes desservant les quartiers de Hamm et de Cessange, un atout vanté par l’établissement pour ses clients.
L’Hôtel s’appelait désormais « Hôtel des Boulevards » en référence aux hôtels de même nom à Bruxelles et à Paris. Pierre Welter commençait à moderniser les salles du rez-de-chaussée dès 1930. La grande salle accueillit des soirées de conférences sur la viticulture, mais aussi sur l’ornithologie. Parmi ses premiers visiteurs on comptait en février 1930 le Comité de patronage pour l’érection d’un monument en honneur du poète national « Michel Rodange ». De cette réunion naquit le comité d’organisation à l’origine du « Fiischen » au Knuedler. De même, ce fut ici que fut fondé en 1930 la « Société de Secours Mutuels des Conducteurs d'Autos du Grand- Duché de Luxembourg », que se réunit le « Weinparlament » pour la défense des intérêts des viticulteurs de la Moselle luxembourgeoise. En 1932, les débats sur la nouvelle loi sur la chasse et la protection de la nature y furent houleux. Comme membre du SACOL , Pierre Wengler organisait des tables rondes contre la hausse du prix de consommation de la bière. L’Ecole supérieure ouvrière, créé par le parti socialiste belge se réunit à l’Hôtel des Boulevards, tout comme l’association des journalistes français en visite au Grand-Duché. En 1932, le « Groupement des Etudiants Indépendants » y était fondé. Celui-ci réclamait sa position au centre de l’Association luxembourgeoise des Universitaires Catholiques et de l’Assoss (Association des Etudiants Luxembourgeois). Pierre Wengler organisait en 1930 des soirées de promotion de l’Exposition Internationale de Liège et figurait en 1937 comme un des organisateurs de l’Exposition « Bau& Wohnungswesen » à Luxembourg. Il participait en 1938 à l’exposition gastronomique organisée à Luxembourg.
La veuve de Pierre Wengler (1892-1940, Irma Goedert et leurs enfants reprenaient l’enseigne pendant les années de guerre.
Luna Parc-Espresso Bar – La Terrasse
En 1946, Auguste Schulz, patron du restaurant « An der Stuff » acquit par adjudication l’immeuble, dont il avait été un des cohéritiers. Schulz, qui affichait sa devise « Ici tout s’arrange à l’amiable » à son bureau, cumulait alors les mandats, délaissant ses entreprises « An der Stuff » et « Hôtel des Boulevards ». Il devint président de la « Mustermesse Luxemburg 1948 », puis Président de la Confédération Internationale des Patrons-Bouchers, en 1958 délégué luxembourgeois de l’association des hôteliers du Benelux. La gestion de l’Hôtel était confiée à J.P. Hippert-Courtois. En 1949 l’Hôtel n’offrait plus que 16 chambres. L’enseigne existait toujours en 1956, mais allait disparaître du Guide des Hôtels à partir de 1959. Au rez-de-chaussée un « Luna-park » avec « Friterie » et « Espresso Bar » remplaçait désormais l’ancien restaurant. Un stand de vente de glaces était établi à la terrasse. La Kredietbank avait installé des bureaux dans les chambres de l’ancien Hôtel. D’amples transformations furent entreprises en 1963 où les mansardes furent remplacées par un étage attique. Le Luna-Park devint « Café-Restaurant La Terrasse » exploitant surtout sa situation touristique. Depuis 2005, l’établissement accueille le « Restaurant Zanzen ». Celui-ci inclut le rez-de-chaussée voisin avec sa terrasse.