L’Hôtel International n’existe plus
L’Hôtel International n’existe plus
Le 31 octobre 2022 les travaux de démolition de l’Hôtel International à la place de la Gare (N°20-22) ont commencé. Aujourd’hui, un seul hôtel d’un total de jadis 14 établissements situés en face de la gare, continue à accueillir ses clients. Depuis l’inauguration de la gare de Luxembourg en 1859 et jusqu’en 1968, l’hôtellerie se concentrait exclusivement sur la ville haute et la gare centrale. De nos jours, les établissements se regroupent autour de l’aéroport, à la ville Haute, toujours au quartier de la gare, au Limpertsberg, à Gasperich et à Belair.
Café-Restaurant Glodt
L’hôtel International occupait une partie des anciens terrains en provenance de l’ancien fort Wedell construit de 1859 à 1864 pour protéger la gare de Luxembourg. Ces terrains avaient été vendus à partir de 1868 à des entreprises industrielles. Les aubergistes François Dallé et Nicolas Glodt-Charron avaient acquis les terrains en face de la gare pour y ouvrir leurs « Chalet Dallé » et « Café Glodt » et « Hotel Feider ». C'étaient des constructions légères en bois qui s’élevaient à l’emplacement des Hôtels Alfa et International, respectivement à la rue Joseph Junck. En novembre 1867 Nicolas Glodt vendait dans son Café des produits pour combattre le choléra et des problèmes de digestion. La Café Glodt devint par la suite « Café-Restaurant », puis à partir de 1886, Marie Charron donna en location des « neu hergestellte geräumige Zimmer ».
Le 16 mars 1904 Pierre Schimberg-Rennel inaugurait l’Hôtel International, soit un mois avant l’inauguration du chemin de fer à voie étroite Luxembourg-
Echternach (Charly). Les travaux d’aménagement de l’Avenue de la Liberté et de la place de la Gare venaient d’être achevés. L’Hôtel International occupait pour ses clients une place de choix, au pied des stations des chemins de fer Luxembourg-Remich, et Luxembourg-Echternach et de la gare centrale. Les tramways en direction de la ville haute partaient juste en face de l’établissement.
En 1905 sa veuve et son beau-frère proposaient aux enchères l’Hôtel Feider « nebst daran gelegenen Terrain und sonstigen Dependenzien, das Ganze mit einer Gesamtfläche von 580 Quadratmeter (…). Dieses Grundstück welches mit einer Front von 25 m planmäßig gerade gegenüber dem projektierten neuen Bahnhofsgebäude, dessen Bau binnen kurzem in Angriff genommen werden wird, bietet unbedingt die vorzüglichste Geschäftslage Luxemburgs und würde sich insbesondere sowohl zur Errichtung eines modernen, großen Bahnhofshotels mit Restauration wie auch eines größeren Warenhauses eignen“ (Immobiliarversteigerung, in Luxemburger Wort, 5. April 1907). A défaut d’amateurs, les vendeurs retiraient les deux lots de la vente. La nouvelle gare fut livrée en 1912.
Automatisches Restaurant
L’Hôtel International se fit remarquer dès 1909 par son nouveau concept, offrant au client pressé, voyageur ou ouvrier des manufactures et usines proches, un « automatisches Restaurant ». Ce concept avait été développé à Berlin en 1896 par Ludwig Stollwerk et connut un rayonnement rapide. Ce fut un restaurant self-service où les plats et les boissons étaient fournis par des distributeurs automatiques à pièces, de sorte que les clients n'avaient aucun contact avec le personnel de service. Un jugement spécifique au tribunal régla l’accès de mineurs à ce nouveau type d’établissement.
Hôtel International
En 1913 Pierre Schimberg-Rennel reprit l’Hôtel Putz à Ettelbruck, alors que les Soeurs Beffort s’installaient à l’Hôtel International à Luxembourg. Elles y offraient des chambres confortables à prix modérés aux voyageurs et acceptaient des pensionnaires. Leur restaurant offrait la table d’hôte à midi, des repas chauds ou froids toute la journée. Elles servaient du Münchner Spatenbräu, de la bière Henri Funck et proposaient une carte de vins très riche.
La centralité de l’établissement fit que l’Hôtel International devint en 1913 le siège des amis des pigeons voyageurs réunis dans « la Société Hirondelle Le Centre ». L’hôtel s’adressait avant tout à un public en provenance de la campagne, dont les éleveurs de petits animaux, alors qu’à l’Hôtel Kons et à l’Hôtel de la gare, les hôteliers offraient à leurs clients de vastes écuries pour l’organisation de ventes publiques de bétail. Profitant de cette présence, le magasin de tabac et de vente de cartes postales Jacques Giberius voisin de l’Hôtel du côté de la gare, affichait sur sa toiture une publicité géante pour promouvoir les machines à foin « Deering ».
Côté rue Joseph Junck, l’Hôtel International était adossé à l’ancienne auberge Feider devenue en 1912 Hôtel Moes géré par le couple Nicolas Moes et
Angela Guichard. L’Hôtel International offrait des chambres « confortables ». Il disposait d’une cour et d’une salle des fêtes avec billard et piano installés dans une arrière-maison. L’établissement disposait d’une entrée particulière à la rue Joseph Junck et la salle était même louée indépendamment de l’hôtel. Au cours de la première guerre Mondiale, l’Hôtel Moes et l’Hôtel International avaient été touchés par un obus français jeté sur la gare le 23 août 1914. En 1916, les « Lothringer Hüttenwerke » organisaient à l’Hôtel International des journées de recrutement d’artisans et d’ouvriers.
99 ans aux mains d’une famille
L’Hôtel Moes, l’Hôtel International et le magasin de tabacs Giberius appartenaient à la veuve Nicolas Glodt-Charon, hôtelière. En 1919, Nicolas
Wagner-Lentz, tenancier du Buffet de la Gare acquit la propriété. Il allait raser les constructions en bois et éleva en 1920, un hôtel avec trois étages dont un mansardé. L’établissement prit alors le nom de « Grand Hôtel International ». Il offrait 17 chambres et un café-restaurant. Chaque chambre offrait de l’eau courante chaude et froide, les salles de bains avec WC se trouvaient à l’étage. L’immeuble disposait d’un chauffage central et était raccordé au gaz et à l’électricité. Au décès de Nicolas Wagner-Lentz en 1923, son beau-frère Pierre Klein-Wagner, concessionnaire général de la brasserie Mousel racheta la propriété.
Par extension des mansardes la capacité passa à 20 chambres. Pierre Klein donna l’établissement en gérance à Pierre et Emile Back jusqu’en 1941. Le Jack’s Bar au rez-de-chaussée était célèbre pour ses concerts-variétés. Le concert des Huit Rosefild’s Universal Jazz Ladies fut même retransmis en
direct par Radio Luxembourg.
Sous l’occupation l’Hôtel, géré uniquement par Emile Back, portait le nom « Hotel Stadt Luxemburg ».
A partir de 1947, les époux Klein-Wagner exploitaient l’établissement à leur compte. Ils chargeaient l’architecte Camille Blanc de l’extension du Grand Hôtel International sur la parcelle de l’ancien magasin de tabacs Giberius. L’hôtel-restaurant agrandi proposait désormais 45 chambres et une brasserie avec 50 places. Rapidement, la maison en face de la gare, devint le rendez-vous de nombreuses associations culturelles et sportives, du syndicat des intérêts locaux. Des conférences, fêtes de famille, communions, mariages trouvaient accueil au restaurant. Toutes ces manifestations mériteraient un article à part.
En 1960, l’architecte Pierre Reuter allait remplacer le bâtiment de 1920 par une nouvelle construction en béton armé. Pierre Reuter figure parmi les grands architectes du pays. A l’époque, il avait été co-architecte du pavillon luxembourgeois à l’exposition universelle de Bruxelles en 1958, du palais épiscopal, de la chapelle du Convict. Il était apprécié pour son audace moderniste. L’Hôtel International devait attirer le regard du voyageur arrivant à Luxembourg. Profitant d’un nouvel alignement du côté ouest de la place la gare, Reuter parvint à mettre en valeur l’emplacement par un agencement de trois avant-corps placés l’un légèrement en retrait par rapport à l’autre. Le bâtiment était couronné d’un 7e étage aménagé en roof-terrasse. Les chambres orientées vers le sud et faisant le coin avec la rue Joseph Junck profitaient chacune d’une terrasse. Chaque chambre représentait une ouverture carrée dans la façade. Celle-ci permit l’aménagement de fenêtres panoramiques assises sur un entablement de couleur bleue. Ensemble avec la couleur jaune des grilles de balcons, cette touche apportait à la ville une façade colorée inconnue jusqu’alors. Le bâtiment ne pouvait rester inaperçu ! La nouvelle extension porta la capacité à 60 chambres réparties sur 6 étages. Le bâtiment de 1947 fut rehaussé afin d’atteindre la même hauteur sous corniche que la nouvelle construction. Chaque nouvelle chambre disposait de bains/ douches privés. Le bâtiment était complètement insonorisé face à une circulation automobile en forte progression. La brasserie servant de la bière Funck-Bricher pouvait désormais accueillir 100 couverts. L’hôtel offrait encore deux salles de banquets et de réunions avec une capacité de 50 places chacune. En 1960, la Ville de Luxembourg était toujours candidat au siège unique des institutions européennes, une opportunité grandiose pour l’hôtellerie d’affaires. Il fallait donc investir pour être prêt au bon moment. L’Hôtel était considéré par la presse comme carte de visite d’une ville moderne et en plein essor.
Leadership féminin
Après le décès inopiné en 1967 de Joseph Klein-Sutor, fils des époux Pierre Klein-Wagner et le décès de Pierre Klein-Wagner, Marie-Thèrèse Klein-Sutor reprenait les affaires. En 1972, elle fit construire la terrasse couverte donnant sur la place de la Gare. Après le décès de Mme Pierre Klein-Wagner, en 1977, Marie-Thérèse Klein-Sutor et sa fille Pia Kottmann-Klein devenaient propriétaires de l’établissement. En 1978, elles firent installer des fenêtres doubles pour assurer une isolation encore plus poussée des chambres. A ce moment, les panneaux bleus de la façade furent remplacés par des panneaux de couleur rouge. Le nouveau Colibri-Bar accueillait les clients de journée et du soir. En 1980, le restaurant fut rénové, le Colibri-Bar agrandi. Marie-Thérèse Klein Sutor et Pia Kottmann exploitaient leur établissement jusqu’en 2017.
Best Western Hôtel International
En 1990/91, les chambres furent rafraîchies et modernisées. Luxembourg se profilait à l’époque comme ville de congrès. En 1992, l’Hôtel International rejoint la chaîne hôtelière « Best Western » fondée en 1946 aux Etats-Unis. Le but de l’intégration du groupe permit l’accès à une importante plateforme internationale de réservations.
Pia Kottmann s’engagea fortement dans la promotion touristique internationale. L’hôtel participait régulièrement aux grandes foires internationales, dont World Travel Market (Londres), ITB (Berlin) ou encore Fitur (Madrid). Pia Kottmann accueillait des tour-opérateurs internationaux et des journalistes invités par l’Office National du Tourisme. Sur le plan local elle s’engagea pour la qualité de vie et la valorisation culturelle du quartier de la gare.
En 2004/2005, l’Hôtel International fut complètement rénové. L’architecte Romain Hoffmann avait conçu la façade qui allait caractériser la place de la Gare. La construction en verre et acier placée devant l'ancienne façade de la maison permettait l’aménagement de 10 chambres supplémentaires faisant passer la capacité à 70. 23 chambres étaient climatisées. L'agrandissement englobait la construction d’un étage supplémentaire, l’aménagement d’une suite et d’une salle de conférence. Le « bistro italien Al Dente » accueillait les clients au rez-de-chaussée. Le restaurant « Am Inter », récompensé de douze points au guide gastronomique Gault Millau, avait été rénové et agrandi. Le hall de l'hôtel avait également été repensé et agrandi avec un coin salon confortable.
La fin d’une époque
En mars 2017 l’établissement cessait son exploitation. Une vente aux enchères avait été annoncée, puis retirée en été 2018. L’«IPG Immobilière Place de la Gare » constituée en 2018 acheta la propriété pour y développer dans le cadre du plan d’aménagement particulier quartier existant «secteur protégé du quartier de la Gare» un projet comprenant des surfaces bureaux et de commerces et prévoit également des logements.
La société développe le projet avec un bureau d’architectes luxembourgeois.