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Café Restaurant Mille Colonnes

Mémoire d'établissements Horeca

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« Aux Mille Colonnes » à Luxembourg-Gare

Lorsque le 13 novembre 1904 le Café-Restaurant « Mille Colonnes » ouvrait ses portes au coin place de l’Eventail (future place de Paris) / rue Sigefroid (ultérieurement rue Jean Origer), cet établissement se trouvait encore en solitaire dans cette partie de la ville.

Le pont Adolphe avait été inauguré en juillet 1903. Depuis avril 1904 seulement, le chemin de fer « Charly » passait par la nouvelle avenue Adolphe (Avenue de la Liberté) en direction du boulevard Royal. La construction soutenue des terrains au plateau Bourbon ne démarra qu’à partir de 1910. L’Hôtel de Paris, ouvert en 1912, allait donner à la place de l’Eventail son nom actuel de place de Paris. Il est difficile de s’imaginer qu’ici les cirques en tournée au Luxembourg donnaient leurs représentations et que la place était occupée par un pavillon pour la perception de la taxe d’octroi sur l’entrée et sortie de marchandises sur le territoire de la ville de Luxembourg.

Le courage d’investir dans le futur

Le prestigieux immeuble datant de 1904 et qui logeait le Café-Restaurant « Mille Colonnes » (aujourd’hui agence BIL, place de Paris) était un des premiers projets à être réalisés le long de l’avenue de la Liberté. L’architecte, Mathias Martin, réputé pour ses constructions audacieuses en style Art Nouveau, en avait dressé les plans pour l’entrepreneur Michel Betz. L’angle à pan coupé et à balcon a gardé jusqu’à ce jour une fonction de référence visuelle en ville. Bien plus que cela, l’immeuble faisait encore frontière entre les communes de Hollerich et de Luxembourg (-1920). Son exposition en quasi rase campagne l’exposait fortement aux intempéries. En 1907 les dégâts causés suite à la tempête furent importants. Or, le choix téméraire du site confirme une attitude récurrente de l’entrepreneuriat luxembourgeois : reconnaître les opportunités du marché en avance, et anticiper la demande !

Le « Mille Colonnes » de Luxembourg

Le propriétaire de l’immeuble avait donné les locaux au rez-de-chaussée en location à J. Kass-Welter, ancien maître d’hôtel qui allait y exploiter jusqu’en 1907 le Café- Restaurant, respectivement la Taverne « Aux Mille Colonnes » avant d’être repris par Eugène Neu. L’emprunt du nom au fameux café-cabaret de la rue de la Gaité à Paris, respectivement à la Taverne de même nom à la gare du nord à Bruxelles reflète déjà tout un programme. Les deux références furent des lieux de rassemblements populaires, culturels, de loisirs, mais aussi à tendance politique.

L’entreprise semble avoir été couronnée de succès, dès le départ, comme en témoigne le projet de vouloir transformer l’immeuble en 1905 en « erstklassiges Hotel ». On y renonça finalement, et le nouveau propriétaire de l’immeuble louait les étages à des professions libérales. Les Hôtels « Moderne », « Central Molitor » et de « Paris » allaient rapidement ouvrir leurs portes à proximité.

Les exploitants J. Kass, puis Eugène Neu visaient une population locale, même s’ils éditaient des cartes postales pour touristes vantant les agréments de la maison. Curieusement, le Woerls Reiseführer de 1912 ne recommandait pas la maison aux visiteurs étrangers. Les exploitants du Café-Restaurant recrutaient leur clientèle au quartier et plus particulièrement dans les classes moyennes et la petite bourgeoisie. Leur média de communication préféré fut la « Bürger und Beamten-Zeitung ».

Comme le Grand-Duché faisait à l’époque partie de l’union douanière avec l’Allemagne, Kass et Neu servaient le Münchner Franziskanerbier et la Fürstenberg « Blond ».

Comme au Café Jentgen, la table de billard ne manquait pas. D’ailleurs ce sport était pratiqué aussi bien au palais grand-ducal que dans les villas bourgeoises disposant d’une salle spéciale pour s’adonner avec frénésie à cette passion. Des lambris sculptés ornaient les murs, les miroirs typiques ne manquaient pas non plus. L’éclairage se faisait au gaz. Le poêle était installé au milieu de la pièce et chauffait les deux salles communicantes. Comme mesure d’hygiène, les plateaux des tables étaient en marbre. Les chaises en bois étaient de fabrication industrielle. L’établissement « Bonn frères » était à l’époque spécialisé dans l’ameublement de cafés et restaurants.

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Resté dans la mémoire de toute une génération

Gourmandise et animation se liaient pour s’assurer une clientèle fixe. Le vendredi était réservé aux moules, le samedi aux « Träipen ». Le buffet froid servi avec vins et pichets de premier choix était légendaire. On aimait se réunir autour du jeu du hasard « la grande poule au gibier ». Les soirées furent hilarantes avec M Lafontaine « Gedankenleser », ou le professeur Elob « recordman du monde en déchirage de cartes », ou encore avec Nina Yvor, la gommeuse. Remises de prix et enterrements de vie de garçon garantissaient une ambiance folle. On dansait au rythme des joueurs à la mandoline, du pianiste, 1
er prix du conservatoire de la ville de Liège, Léopold Jacques, de l’ensemble Serino-Darmond. Comme point de rencontre populaire, l’Union Cycliste de Hollerich, les sapeurs-pompiers de Hollerich-Bonnevoie, le Cercle des Philantropes luxembourgeois, la Moto-Union de Luxembourg, l’Union sportive de Hollerich-Bonnevoie avaient élu leur siège social aux « Mille Colonnes ». Le cafetier s’assurait ainsi une clientèle large et fidèle qui revenait régulièrement pour la tenue de leurs comités. Eugène Neu annonça en 1915 dans la presse, en tant que tenancier du café le décès héroïque sur les champs de bataille du coureur cycliste et vainqueur du Tour de France, François Faber. Lieu populaire par excellence, les sapeurs-pompiers y avaient déposé leur clef du dépôt! Les notaires y tenaient régulièrement leurs ventes aux enchères. De nombreuses publicités signalaient le voisinage avec ce lieu réputé de la vie sociale pour annoncer un commerce ou une offre particulière. Le service de cabine téléphonique, assura à l’établissement le statut d’un lieu public.

Le « Mille Colonnes » déménagea à la rue Joseph Junck fin 1914. La pharmacie P. Schmit allait ouvrir en janvier 1915 à son adresse. Les plus anciens se rappellent peut-être encore le Café Reichling, d’autres le restaurant « Wimpy-Gare » qui avaient ouvert, après la 2e guerre Mondiale à la même enseigne. (Rolph)

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